Depuis que la capitale algérienne a été bouclée par les forces de l’ordre, ces dernières semaines, les manifestations du Hirak se sont concentrées dans la seule région de Kabylie.Ce vendredi 18 juin, les villes de Bouira, Béjaïa et Tizi Ouzou, en particulier, ont encore été le théâtre de grosses manifestations où les slogans habituels du Hirak, comme «Un Etat civil et non militaire», ont été scandés. Actualité oblige, les récentes élections législatives, entièrement boudées dans cette région où le taux de participation n’a pas dépassé le 1%, ont été qualifiées de «mascarades, nulles et non avenues»
De même, les manifestants ont exigé la libération des détenus d’opinion dont le nombre dépasse actuellement les 260 dans les geôles du régime algérien. Même une professeure d’université à la retraite et membre active du Comité national pour la libération des détenus d’opinion, Fatiha Briki, a été kidnappée ce jeudi par la police, et son sort reste toujours inconnu. Pour sa part, l’enseignant universitaire, Abdelali Rezagui, qui vient de critiquer le régime et soutenir ouvertement le Hirak sur le plateau de la télévision publique algérienne qui attendait de lui un autre langage, a été également arrêté jeudi soir avant d’être relâché quelques heures plus tard.
Mais ce qui a été étonnant lors de ce 122e vendredi du Hirak, c’est que tous les médias algériens qui couvraient d’habitude le Hirak ont unanimement ignoré, et pour la première fois, les manifestations qui se sont déroulées aujourd’hui en Kabylie. Même le portail de Radio M, où officie Khaled Drareni, et dont le patron, El Kadi Ihsane, a été arrêté avec lui il y a huit jours, en compagnie de Karim Tabbou, autre figure emblématique du Hirak, n’a pas consacré le moindre mot à cette journée.Il faut dire que face au blocage actuel, consécutif à la répression implacable imposée par le régime aux manifestants pacifiques, c’est désormais le dialogue qui est préconisé.
D’ailleurs, ce vendredi, le premier secrétaire du vieux parti d’opposition algérien, le Front des forces socialistes (FFS), Youcef Aouchiche, a inauguré un certain changement de ton. S’il a mis le doigt sur l’autoritarisme excessif de l’actuel pouvoir, il n’a pas manqué non plus de fustiger ce qu’il appelle «l’amateurisme» du Hirak, appelant les deux parties à dialoguer.
«Tout comme le pouvoir, ils (dirigeants du Hirak) contribuent à empêcher le changement et précipiter le pays dans l’affrontement et le chaos», a déclaré le chef du FFS, qui a ajouté que «le populisme, l’amateurisme, l’extrémisme et le charlatanisme politique ont des effets ravageurs sur notre société».
Le FFS préconise ainsi «l’ouverture sans tarder d’un dialogue national inclusif en mesure d’engager le pays sur le chemin de la construction d’un projet politique capable de consacrer la souveraineté populaire et nationale et renforcer l’unité, l’intégrité territoriale et la cohésion de notre nation».
Ce changement de ton du FFS est également perceptible dans l’annonce de sa décision de participer aux prochaines élections municipales, «pour être à proximité des citoyens», justifie-t-il, alors qu’il a boycotté toutes les élections qui se sont déroulées depuis le déclenchement du Hirak. Un Hirak qui résiste bien dans toutes les grandes villes de la Kabylie.