Les grandes surfaces françaises vont-elles devoir supprimer leurs rayons dédiés aux produits halal pour faire la peau au communautarisme? Cette question qui peut paraître farfelue fait suite aux déclarations tenues par le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, le 20 octobre sur BFM TV, au lendemain de l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine qui a coûté la vie à un professeur d’histoire-géographie, décapité par un fanatique.
S’exprimant sur le communautarisme, Gérald Darmanin a ainsi dit regretter l'existence de «rayons» dédiés à des cuisines communautaires dans les grandes surfaces. «Ça m'a toujours choqué de rentrer dans un hypermarché et de voir qu'il y a un rayon de telle cuisine communautaire, c'est comme ça que ça commence le communautarisme», a-t-il lancé.
Face à l’étonnement du journaliste, Darmanin a toutefois nuancé ses propos en indiquant que c’était son avis personnel, «j’ai mon opinion et toutes mes options ne font pas partie de la loi de la République».
«Je comprends très bien que la viande halal soit vendue dans des supermarchés, ce que je regrette c'est les rayons. Pourquoi je dois faire un rayon différent? J'ai donc le rayon pour les musulmans, le rayon casher puis tous les autres... Pourquoi des rayons spécifiques?», s’est-il interrogé en jugeant que ceux qui veulent acheter des produits halal ou casher devraient se rendre dans des magasins dédiés.
La responsabilité du capitalisme dans le renforcement du communautarismeCar ce que Gérald Darmanin dénonce ici, c’est la responsabilité du capitalisme français et du capitalisme mondial. «Quand on vend des vêtements communautaires, peut-être qu'on a une petite responsabilité dans le communautarisme. Lorsqu'on prête de l'argent à un certain nombre d'associations, ou à des entreprises communautaires [...] Ce n'est pas parce qu'on a des parts de marché en flattant quelques bas instincts qu'on a rendu service au bien commun», analyse-t-il.
En France, les propos du ministre de l’Intérieur laissent sceptiques. Invité à réagir sur la question par Jean-Pierre Bourdin sur BFM TV, Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, a quant à lui jugé que «ce n’est pas un sujet». «Moi ça ne me choque pas. Quand je fais mes courses, je vais au rayon 'produits bretons', parce que je suis Breton et je vais vers les produits du terroir», explique-t-il.
Et de pointer du doigt une certaine hypocrisie qui transparaît dans ce type de discours. «Dans ma circonscription (…), il y a une grande entreprise qui exporte 500.000 tonnes de poulets par an vers l’Arabie Saoudite et c’est du poulet halal. Alors je constate que quand ça permet à des filières entières de vivre, à des entreprises de prospérer, on considère qu’on s’adapte à la demande du marché», a-t-il lancé pour clore le débat.
Des propos qui tranchent assurément avec ceux de Darmanin qui pointe quant à lui du doigt ces «grandes entreprises françaises» qui ont organisé leur marketing direct en surfant sur une vague communautariste. Or, «si on peut demander des comptes aux hommes politiques(…), on peut aussi dire au capitalisme qu’il peut être de temps en temps patriote», prévient-il avant d’appeler «très modestement les chefs d’entreprise à se rendre compte aussi qu’ils peuvent contribuer à la paix publique et au fait qu’on peut lutter contre le séparatisme».