Ce n’était que partie remise depuis la levée partielle du confinement sanitaire, le 7 juin courant, dans certaines wilayas algériennes. Après une première tentative, le vendredi 12 juin, les militants du Hirak ont réussi ce 19 juin à reprendre en masse leurs marches hebdomadaires anti-pouvoir, démontrant clairement que le mouvement populaire, mis en veilleuse depuis trois mois par la pandémie de Covid-19, est toujours vivace et n’attend que la levée du confinement pour revenir en force. Des rassemblements et des marches ont ainsi eu lieu dans plusieurs villes algériennes (Bejaïa, Tizi Ouzou, Bouira, Constantine…).
En plus des slogans appelant à la libération immédiate de dizaines de détenus d’opinion (journalistes, blogueurs, figures du Hirak…), les manifestants, sortis ce vendredi, ont surtout scandé des messages très hostiles envers l’armée et l’homme qu’elle a imposé en tant que président aux Algériens. «Tebboune Mzaouar, Jabouh El Askar» (Tebboune est falsifié, c’est l’armée qui l’a ramené), «El DjazairTeddi El istqlal, les généraux à la poubelle» (L’Algérie aura son indépendance, les généraux à la poubelle), «Dawla madaniya, machi askariya» (Etat civil, non militaire), «Y’en a marre, y’en a marre, y’en a marre des généraux»… ont repris en chœur les manifestants.
Prétextant l’interdiction de rassemblements pour cause de coronavirus, les forces anti-émeute algériennes ont réprimé la manifestation pacifique de Bejaïa à travers un usage massif de gaz lacrymogène et de tirs de balles en caoutchouc. Des arrestations et des blessés ont été dénombrés.
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La nouveauté de la deuxième vague du Hirak, c’est que l’armée est au cœur des revendications des marcheurs. A croire que toute l’agitation faite par le régime algérien autour de la diffusion, mardi 26 mai 2020, du documentaire «Algérie, mon amour», sur France 5, et la rediffusion d’«Algérie, les promesses de l’aube», par la chaîne parlementaire française LCP, qui s’est exacerbée avec le rappel de l’ambassadeur d'Alger à Paris, Salah Lebdioui, n’aura servi qu’à mieux raffermir la détermination du Hirak à faire du retrait de l’armée algérienne de la scène politique sa principale revendication.
Pour rappel, le ministère algérien des Affaires étrangères avait réagi à la diffusion des documentaires télévisés sur le Hirak, considérés comme «des attaques contre le peuple algérien et ses institutions, dont l'ANP (l’Armée nationale populaire, Ndlr) et sa composante, la digne héritière de l’Armée de libération nationale (ALN)». Une seule institution est citée dans ce communiqué: l’armée algérienne. C’est dire que cette armée, qui a visiblement été à l’origine du coup de sang du pouvoir algérien contre la France, est aujourd’hui la principale cible du Hirak.
Il ne sert à rien de changer Abdelaziz par Abdelmadjid tant que les généraux interviennent dans la politique et sont les faiseurs des chefs d’Etat en Algérie. Les militants du Hirak ont bien compris que tout changement en Algérie passe par un repli des militaires dans leurs casernes.