Ce sont des centaines d’anciens soldats de l’armée algérienne qui ont manifesté ce 16 mars 2021, à Bentalha, une localité située à une quinzaine de kilomètres au sud de la capitale algérienne. Bloqués pendant plusieurs heures à la sortie de cette commune par un cordon de sécurité, qui les a empêchés d’aller grossir les rangs des étudiants qui manifestent chaque mardi dans le centre d’Alger, ils ont fini par être dispersés à coups de grenades lacrymogènes et de matraques par les forces anti-émeutes de la gendarmerie.
Constitués essentiellement de retraités, dont l’écrasante majorité est encore beaucoup plus jeune que les actuels généraux multi-millionnaires et toujours aux commandes de l’armée algérienne, ces manifestants n’exigent pourtant que leurs droits sociaux les plus élémentaires. Les retraités, parmi eux, réclament la revalorisation de leurs pensions de misère, dans un pays où tout est devenu cher.
Ceux qui ont été victimes de radiation abusive demandent à être réintégrés à leur poste ou de profiter d’une retraite anticipée. Les invalides, eux, se plaignent de leur bannissement des hôpitaux militaires, où ils ne profitent pas d’une prise en charge adéquate. Cette dernière catégorie, dont beaucoup ont perdu une jambe, voire les deux, n’arrive même pas à avoir accès à des prothèses dignes de ce nom pour s’assurer une mobilité minimale.
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Pour mesurer l’ingratitude de l’armée algérienne à l’égard de ses anciens soldats, il suffit de rappeler que la localité de Bentalha, où se sont rassemblés ces retraités et invalides, pour la plupart blessés ou mutilés durant la décennie noire, a été le théâtre de plusieurs massacres «terroristes». Le dernier en date est le carnage commis dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997, et qui a fait quelque 400 morts.
Il faut aussi rappeler que depuis quasiment une quinzaine d’années, les retraités et invalides de l’armée algérienne battent de temps à autre le pavé pour attirer l’attention des autorités sur la situation de précarité qu’ils vivent, un statut qui, à entendre la propagande du régime, est (in)«digne des héritiers de l’Armée de libération nationale». En guise de réponse, ils n’ont eu que le déni et la répression.
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Ainsi, quelques mois seulement avant le déclenchement du Hirak, soit le 23 septembre 2018, les retraités et invalides de l’armée avaient tenté, pour la troisième fois en cette même année, de converger vers Alger pour exiger la revalorisation de leurs pensions. Non seulement, ils ont eu droit à une répression sauvage, mais le ministère de tutelle, celui de la Défense nationale, les a reniés.
Dans un communiqué publié à l’époque, ce dernier qualifie les manifestants «d’individus s’autoproclamant de différentes catégories de retraités de l’Armée nationale populaire, ayant emprunté des voies illégales pour exprimer leurs revendications… dans l’intention de semer le doute et d’induire en erreur l’opinion publique en se présentant comme victimes aux droits sociaux et matériels bafoués, en ayant recours à la rue pour imposer leur logique».
Comment alors expliquer ce comportement ingrat, voire cruel, du régime vert-kaki qui continue de dénier à ses anciens soldats leurs droits sociaux?
Une chose est sûre: les autorités algériennes avaient peur, ce mardi 16 mars, qu’une jonction ait lieu au centre d’Alger entre la manifestation des anciens soldats à la retraite et celle des étudiants. Pour éviter ce scénario, qui aurait certainement pesé sur le moral déjà très bas des forces de l’ordre et des troupes de l’armée, le régime a trouvé un subterfuge. Lundi dernier dans la matinée, il a rendu la capitale algérienne quasiment inaccessible aux automobilistes, créant ainsi, et sciemment, des embouteillages énormes et des bouchons de plusieurs kilomètres pour décourager les manifestants voulant converger vers Alger. Le même stratagème sera-t-il réédité pour vendredi prochain?