"L'idéal pour moi serait qu'il nous laisse tranquille, pour que l'on continue notre petit bonhomme de chemin", résume un employé de Twitter, qui a parlé à l'AFP sous couvert d'anonymat.
Cet ingénieur évoque le départ de plusieurs salariés et surtout un "climat d'incertitude qui ne conduit pas à un état d'esprit vraiment serein".
"On essaye tout de même de continuer à faire notre travail normalement, parce que les principales raisons pour lesquelles nous avons choisi de travailler pour Twitter sont intactes", tempère-t-il.
Depuis mi-avril - quand Elon Musk a manifesté son désir de racheter cette "place publique" - le réseau social subit un feu roulant d'attaques et moqueries de la part du multimilliardaire.
"Le dénigrement répété de Musk vis-à-vis de Twitter et son personnel crée de l'incertitude et des délais qui nuisent à Twitter et à ses actionnaires", résumaient les avocats de l'oiseau bleu dans la plainte déposée mardi contre le patron de Tesla et SpaceX, pour le forcer à tenir son engagement de racheter la plateforme au prix convenu fin avril.
Les propos de l'homme d'affaires "exposent aussi Twitter à des conséquences néfastes pour ses activités commerciales, ses employés et le prix de son action", continuaient-ils.
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"Twitter traverse une énorme crise d'image", note Debra Williamson, analyste de eMarketer, pour l'AFP.
"Nous pensons que les annonceurs les plus fidèles sont restés, mais ceux pour qui Twitter n'est pas la priorité ont peut-être revu leurs dépenses à la baisse en attendant que tout ça se décante".
Elon Musk a répété à l'envi, sans preuve, que le réseau était infesté par des faux comptes, dans une proportion bien supérieure à celle donnée par l'entreprise californienne (5%).
"Attirer de nouveaux annonceurs n'est pas évident quand ils se demandent si une bonne partie de vos utilisateurs sont des bots", remarque Kellis Landrum, patron de l'agence de marketing True North Social.
Angelo Carusone, président de Media Matters, pense que le dirigeant libertarien a surtout fait peur aux marques en critiquant la modération des contenus.
La lutte contre la haine et la désinformation est largement défendue en interne et par la gauche américaine, mais aussi par de nombreux annonceurs, soucieux de ne pas être associés à des messages "toxiques".
Début mai, lors d'un événement annuel de marketing où se négocient de gros contrats publicitaires, Twitter "n'a pas réussi à les rassurer", affirme le spécialiste des médias.
"Ils n'ont pas du tout vendu autant que d'habitude. Et c'est resté mou depuis".
Le réseau social basé à San Francisco ne peut pas se permettre de perdre des clients. Contrairement à ses voisins (Google et Meta) qui dégagent des profits faramineux de la publicité numérique, Twitter a perdu des centaines de millions de dollars en 2020 et en 2021.
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Le groupe va capter moins de 1% des recettes publicitaires mondiales en 2022, d'après eMarketer, contre 12,5% pour Facebook, 9% pour Instagram et près de 2% pour le tout jeune TikTok.
Et sa base d'utilisateurs pourrait diminuer aux Etats-Unis, prédit Debra Williamson.
Elon Musk a un temps fait rêver les investisseurs, évoquant l'objectif d'atteindre un milliard d'utilisateurs, sans préciser comment il y parviendrait.
Maintenant, "on assiste à une bataille judiciaire qui va se finir soit avec Twitter dans le giron d'un propriétaire qui finalement n'en veut pas, soit avec Twitter tout seul et plus faible qu'avant", constate l'analyste.
L'affaire est partie pour durer des mois, dans un contexte économique difficile, qui nécessite des ajustements rapides de stratégie, pour monétiser les nouveaux formats audio et vidéo, diversifier les sources de revenus, attirer des audiences plus jeunes, etc.
"Facebook peut réagir aux problèmes. Twitter est coincé, ils ne peuvent prendre aucune décision majeure", élabore Angelo Carusone.
Les avocats du réseau social reprochent d'ailleurs à Elon Musk de n'avoir pas validé "deux programmes de rétention des employés conçus pour garder des cadres clefs pendant une période d'intense incertitude, causée en grande partie par son comportement erratique".
En interne, certains salariés ont aussi perdu confiance dans leur direction, qu'ils auraient souhaité plus combative face à l'homme le plus riche du monde.
Parker Lyons, un analyste financier de l'entreprise, a tweeté plusieurs "memes" (images parodiques) où le conseil d'administration apparaît comme cruel et sans scrupules, n'hésitant pas à sacrifier la plateforme des gazouillis au profit des actionnaires.