La mort violente de Zakaria Mennouni n’a pas fini de faire couler de l’encre. En effet, les circonstances de son arrestation par la police française et les causes de son décès suscitent bon nombre d’interrogations qui ne sauraient rester sans réponses.
Originaire de Casablanca, le jeune homme, muni d’un visa étudiant, avait quitté le Maroc pour s’établir en France en septembre dernier, et partageait depuis février un logement en colocation à Blois avec trois autres étudiants. Il avait intégré l’école supérieure de commerce (ESC) d’Amiens et depuis le début d’année, effectuait un stage à la biscuiterie Saint-Michel, à Contres.
Le déroulé du drame
Interrogés par la police, rapportent les médias français, les colocataires du jeune homme ont expliqué qu’il n’allait pas bien depuis quelques jours, qu’il se sentait très angoissé et tenait des propos incohérents. Il s’était aussi absenté de son lieu de stage pendant deux jours et, le soir des faits, son état s’était dégradé. Il avait parlé au téléphone avec sa mère, restée à Casablanca, puis quitté son appartement, muni d’un couteau. Vers 23h00, alertés par sa disparition, les policiers l’avaient retrouvé, au centre-ville, pieds nus, le tee-shirt couvert de sang. Il se serait asséné à lui-même des coups de couteau, avant d’être maîtrisé par les forces de l’ordre, rapportent les médias locaux.
Alors que les policiers lui auraient demandé de lâcher son arme, Zakaria Mennouni se serait avancé vers eux d’un air menaçant. Un policier aurait alors fait usage d’un taser, sans aucun effet, puis plusieurs tirs de LBD (lanceur de balles de défense), eux aussi seraient restés sans effet, auraient été tirés.
Lire aussi : Un étudiant marocain meurt en France, sa famille au Maroc ne l’apprend que trois mois plus tard
Le procureur de Blois, Frédéric Chevallier, explique ensuite dans un communiqué qu’«au contraire, l’individu s’avançait vers les policiers» et «qu’à ce moment, un policier (a fait) usage de son arme de service, un Sig Sauer 9 mm, à quatre reprises».
C’est inconscient que le jeune homme est transporté à l’hôpital le 21 avril, grièvement blessé. Le 23 avril, deux jours après son admission au centre hospitalier de Blois, Zakaria Mennouni décède.
Beaucoup de questions et pas de réponsesDepuis, les questions qui entourent les circonstances et les causes de sa mort demeurent. «C’est incompréhensible! Comment sept policiers n’ont-ils pas réussi à maîtriser un jeune sans avoir recours à leur arme à feu? Ils ont utilisé un Taser, un lanceur de balles de défense, avant de lui tirer dessus!», s’exclame ainsi dans les colonnes de la presse française, Joël, le propriétaire de l’appartement où vivait Zakaria à Blois.
A la suite de la mort du jeune étudiant marocain, il a été annoncé l’ouverture d’une enquête criminelle pour «tentative de meurtre sur les policiers», menée par la PJ de Tours sous l’autorité du procureur. Et selon les premiers éléments de l’enquête, le policier qui a tiré sur l’étudiant aurait agi «en état de légitime défense», Zakaria Mennouni ayant menacé les policiers avec un couteau, chose qui les aurait incités à faire usage de leur arme.
Puis, dans un communiqué publié le 26 avril, le procureur de Blois indique que l’autopsie, pratiquée le jour-même à l’institut médico-légal de Tours, n’a pas pu préciser les causes de la mort de l’étudiant, décédé le 23 avril.
Lire aussi : Un voilier disparaît en Méditerranée avec à son bord un skipper marocain
Dans ce communiqué, Frédéric Chevallier précise que l’autopsie a révélé la présence de diverses plaies. «Deux au niveau du cou, l’une touchant une veine jugulaire, l’autre l’artère carotide, ces plaies ayant été causées, selon les éléments de l’enquête, par une auto-agression de l’homme avec le couteau dont il était porteur». Il est aussi question d’«une autre plaie, au niveau de l’estomac, correspondant au projectile tiré par le policier ayant causé des lésions digestives» et enfin, d’«une dernière plaie à la hanche, plus superficielle, causée par l’usage du couteau».
«En l’état des constatations et analyses médico-légales conduites par le médecin légiste, il est établi qu’un choc hémorragique en lien avec les lésions abdominales et cervicales est à l’origine de la mort; cependant il n’est pas possible de distinguer parmi les deux premières séries de plaies, celles qui ont pu causer la mort. C’est pourquoi, des prélèvements ont été effectués afin de pratiquer de nouvelles analyses qui permettront d’apporter sur ce point des précisions indispensables», ajoute le procureur de la République.
La famille demande justicePour la famille de Zakaria Mennouni, dont la dépouille a depuis été rapatriée au Maroc avant d’être enterrée à Casablanca, le choc laisse place à l’indignation. Et pour cause, explique pour Le360 Mourad Elajouti, président du club des avocats du Maroc, qui s’est saisi de l’affaire, «plus de trois mois après son décès, aucune enquête n'a été diligentée par la justice française afin d'élucider les causes de sa mort. Les parents de la victime n'ont pas encore le rapport de son autopsie. Et le procureur de la République soutient que les policiers étaient en légitime défense car le défunt était dans un état ''hystérique''». Or, s’interroge-t-il, «le jeune homme a succombé à ses blessures après avoir reçu quatre balles tirées par un policier. Bizarrement les sept policiers présents n'ont pas pu le maîtriser»…
Afin de faire la lumière sur cette affaire, l’avocat explique ainsi avoir «déposé hier une demande auprès du procureur général auprès de la cour d'appel de Casablanca afin d'effectuer une nouvelle autopsie du corps du défunt Zakaria Mennouni». Il entend par ailleurs porter plainte en recourant à l’article 710 du code de procédure pénale, lequel permet de «poursuivre les auteurs de crimes de nationalité étrangère hors du territoire marocain lorsque la victime est marocaine via une commission rogatoire afin de demander l'extradition des auteurs du crime» explique-t-il pour Le360.
Pour l’heure, les sept fonctionnaires de police ayant participé à cette intervention ont été entendus en qualité de témoins. Quant au policier qui a fait usage de son arme de service à quatre reprises, celui-ci n’a pas fait l’objet d’une garde à vue.