«On entend des coups de feu, des avions militaires et des tirs antiaériens», rapporte à l’AFP un habitant de Khartoum, alors qu’une trêve de trois jours, officiellement en vigueur depuis lundi mais violée dès son début, doit s’achever ce mercredi à minuit.
Le Soudan du Sud, médiateur traditionnel au Soudan, a annoncé avoir obtenu «un accord de principe» du chef de l’armée Abdel Fattah al-Burhane et de Mohamed Hamdane Daglo, à la tête des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) qui se disputent le pouvoir depuis le 15 avril.
Les deux rivaux ont approuvé une trêve «du 4 au 11 mai», assure dans un communiqué le ministère des Affaires étrangères du Soudan du Sud. Agissant sur initiative de l’organisation régionale est-africaine Igad, le président sud-soudanais Salva Kiir, a plaidé pour qu’ils profitent de cette trêve «pour nommer des représentants et proposer une date pour le début des négociations» en vue d’obtenir un cessez-le-feu permanent.
Des discussions techniques
Farhan Haq, porte-parole adjoint du secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, a salué cette annonce. «D’abord, bien sûr, nous devrons voir si c’est accepté par toutes les parties», a-t-il dit néanmoins lors d’une point de presse. Or aucune n’a commenté dans l’immédiat la déclaration sud-soudanaise, et les affrontements ne se sont pas arrêtés à Khartoum.
Les combats ont fait plus de 500 morts, principalement dans la capitale et au Darfour (ouest), et des milliers de blessés, selon le ministère soudanais de la Santé. Un bilan qui pourrait être largement sous-estimé selon l’ONU.
Plus de 330.000 personnes ont été déplacées et 100.000 sont parties vers les pays voisins, selon l’ONU qui s’attend à huit fois plus de réfugiés. Ceux qui restent endurent des pénuries d’eau, d’électricité et de nourriture à Khartoum. Le conflit a plongé le pays, l’un des plus pauvres au monde, dans une «véritable catastrophe», selon l’ONU.
«Sans intervention décisive, le scénario le plus probable est celui d’une guerre civile protéiforme, longue et sanglante»
— Ernst Jan Hogendoorn, expert du Soudan pour Atlantic Council.
Avant l’annonce de la trêve par Juba, l’émissaire de l’ONU au Soudan, Volker Perthes, avait indiqué que les deux belligérants s’étaient dits «prêts à entamer des discussions techniques» qui «pourraient se tenir en Arabie saoudite». Mais un retour aux négociations politiques ne sera envisageable qu’après une véritable trêve, a-t-il martelé. Après les autorités saoudiennes, un émissaire du général Burhane a rencontré les autorités égyptiennes et la Ligue arabe. Lui aussi a plaidé pour que la communauté internationale négocie une trêve.
«Catastrophe humanitaire ahurissante»
Mais l’Union africaine (UA) a appelé à éviter «une action dispersée». «Notre priorité aujourd’hui est de faire respecter et prolonger le cessez-le-feu», a assuré Moussa Faki, le président de la Commission de l’UA. L’objectif est «la reprise du processus politique dans le pays», a-t-il ajouté.
«Sans intervention décisive, le scénario le plus probable est celui d’une guerre civile protéiforme, longue et sanglante», met en garde pour sa part Ernst Jan Hogendoorn pour Atlantic Council. Cet expert du Soudan s’attend à une «catastrophe humanitaire ahurissante, semblable à celle en Somalie, en Syrie ou au Yémen», avec un risque de déstabilisation régionale.
Depuis Nairobi, le responsable de l’ONU pour les affaires humanitaires, Martin Griffiths, tente de négocier l’entrée de l’aide alors que les bombardements et les pillages n’ont épargné ni les hôpitaux ni les organisations humanitaires. L’aide parvient toutefois au compte-gouttes: MSF a acheminé «dix tonnes» de fournitures médicales mardi après six conteneurs de l’OMS et un avion de la Croix-Rouge.
La situation est plus critique encore au Darfour-Ouest, frontalier du Tchad, où les violences ont tué, selon l’ONU, une centaine de personnes depuis la semaine dernière, dans cette région traumatisée par une guerre sanglante dans les années 2000.