L’institution d’un impôt mondial sur le patrimoine des milliardaires pourrait générer près de 40 milliards d’euros de recettes pour les États de l’Union européenne, selon un rapport publié ce lundi 23 octobre par l’Observatoire européen de la fiscalité. «Les milliardaires du monde entier ont des taux d’imposition effectifs allant de 0 à 0,5% de leur patrimoine, en raison de l’utilisation fréquente de sociétés-écrans pour échapper à l’impôt sur le revenu», déplore ce laboratoire de recherche dirigé par l’économiste français Gabriel Zucman.
Financé notamment par l’Union européenne, l’Observatoire propose de mettre en place un impôt minimum mondial sur le patrimoine de quelque 2.800 milliardaires, dont le taux serait fixé à 2%. Le principe de ce prélèvement rappelle celui de l’impôt minimum à 15% sur les bénéfices des entreprises, qui se déploie progressivement à travers le monde après la conclusion d’un accord international sous l’égide de l’OCDE, fin 2021.
Actuellement, les milliardaires européens ne paient que six milliards de dollars d’impôts par an, assure l’Observatoire. Mais en imposant à 2% leur patrimoine, ces recettes fiscales pourraient être multipliées par 7 pour atteindre 42,3 milliards de dollars (40 milliards d’euros) en Europe - et plus de 200 milliards d’euros à l’échelle mondiale.
Un impôt «indispensables à nos sociétés»
Pour le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, qui a préfacé le rapport, ces recettes «sont indispensables à nos sociétés (...) à l’heure où les gouvernements doivent consentir des investissements essentiels dans l’éducation, la santé, les infrastructures et la technologie».
Dans ce rapport, qui dresse un bilan des récentes réformes du système fiscal international, l’Observatoire se félicite lundi du succès de l’échange automatique d’informations bancaires, en vigueur depuis 2017. Alors que «la majeure partie» du patrimoine financier placé par les ménages dans les paradis fiscaux n’était pas déclarée aux autorités fiscales avant 2013, dix ans plus tard, seulement 25% de ce patrimoine environ «échappe à l’impôt».
L’impôt minimum mondial sur les sociétés a en revanche été «considérablement affaibli», regrette la centaine de chercheurs ayant contribué au rapport. En effet, l’accord négocié à l’OCDE contient une dérogation qui permet aux entreprises d’exclure une partie de leurs actifs et de leur masse salariale de l’assiette de l’impôt. Leur taux d’imposition réel chute donc nettement en dessous des 15% théoriquement prévus. L’Observatoire suggère ainsi de relever le taux d’imposition de 15% à 25%, ce qui engendrerait un «quasi-triplement» des recettes fiscales.