Brun, le regard noir, la tignasse ébouriffée, Salim Berrada se trouve dans le box des accusés depuis le 18 mars. Face à lui, défilent ses présumées victimes pour témoigner devant la cour.
Surnommé le «violeur de Tinder» par les médias, Salim Berrada aurait mis en place un système «pervers» afin d’attirer ses victimes. Photographe de profession, il aurait prétexté des castings en vue de shootings pour attirer des jeunes femmes, dont il a fait la connaissance sur des sites de rencontre, à venir chez lui, avant d’abuser d’elles, comme le dénoncent ses présumées victimes.
De Casablanca à Paris, itinéraire d’un homme au passé complexe
Né à Casablanca en 1985, Salima Berrada a vu le jour dans des circonstances peu joyeuses. Sa naissance correspond aussi à la mort de son jumeau dont il ne parviendra jamais à combler l’absence. Le Journal du Dimanche (JDD) qui lui consacre un portrait, explique que sa mère est la figure centrale de sa vie, lui dont le père n’est associé qu’à une seule image, celle de la violence. Pour Salim Berrada, l’enfance n’est pas une période joyeuse car après le divorce de ses parents, c’est cette fois-ci à la faillite de sa famille qu’il est confronté, après que l’affaire de couture montée par sa mère ait périclité.
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Un énième revers qui selon la publication française aurait poussé le jeune garçon à vouloir «se venger de cette dégringolade sociale», en devenant un «enfant modèle aux études brillantes». Et le résultat est au rendez-vous puisqu’il entame des études brillantes, quitte Casablanca à 20 ans et s’envole pour Paris, où il mène des études d’ingénieur informatique dans une grande école avant d’être recruté en tant que consultant informatique.
Un chemin qui semblait tout tracé et qui bute sur des obsessions sexuelles incontrôlées
L’avenir sourit enfin à Salim Berrada mais le jeune homme ne s’épanouit pas dans son métier. Ce à quoi il aspire, c’est à devenir artiste car depuis toujours, il se considère en tant que tel. En 2012, il quitte alors son emploi, se lance dans la photographie en autodidacte et vivote de sa passion.
«C’est à cette même période qu’il découvre la totale liberté que permet son activité professionnelle et cette dernière s’accompagne d’une frénésie sexuelle sans précédent. Il le reconnaît lui-même, il a mentionné lors de l’audience de mardi 800 à 1000 rapports pendant près de trois ans, c’est énorme», rapporte une source au JDD.
L’homme, accro au sexe, écume avec frénésie les boîtes de nuit, pour y faire des rencontres avec des mannequins, jouer de ses charmes auprès des jeunes femmes, tout à son obsession de devoir absolument plaire. Salim Berrada est séduisant, imposant, cultivé, et n’éprouve pas de difficultés à séduire. Mais, parce que son obsession de plaire ne connaît pas de limites, il décide d’étendre son terrain de jeu des boîtes de nuits et des soirées aux applications de rencontres.
Tinder, Facebook & co… les nouveaux terrains de chasse de Salim Berrada
Désormais, c’est sur Tnder qu’il jette son dévolu ou encore sur Facebook et des sites de jeunes mannequins qui rêvent de percer dans le monde de la mode. Sa stratégie, bien ficelée, est toujours la même. Il propose aux jeunes femmes qui aspirent à devenir mannequins de venir chez lui et de les prendre en photos. Toutes acceptent car Salim Berrada a beaucoup de talent et fait de très belles photos. Mais si les jeunes femmes pensent que la séance se déroulera de façon professionnelle, le photographe, lui, espère toujours que ça aille plus loin. «C’est son but!», affirme la même source au JDD.
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«D’ailleurs, il les prévient toutes à sa manière du déroulé de la soirée: il sort directement de l’alcool pour que les femmes comprennent que ce n’est pas un shooting professionnel, mais une soirée photos sympathique, avec derrière une proposition plus coquine, voilà tout», continue la même source. À ce sujet, Salim Berrada ne s’en cache pas et déclare: «Si j’étais chef cuisinier, pour attirer ces femmes chez moi, j’aurais fait un bon plat, là je suis photographe donc je leur propose de s’amuser autour d’un shooting.»
Rapports consentis ou viols sous effet de la drogue? Les avis divergent
Dans cette affaire, les avis divergent. Car sur près de cent femmes qui ont été entendues par les enquêteurs, la plupart admet avoir été consentantes à avoir des rapports sexuels avec lui. En revanche, 17 d’entre elles évoquent un rapport non consenti et pensent avoir été droguées par le photographe.
Chez plus de la moitié des plaignantes, des analyses toxicologiques ont mis en évidence des traces de produits chimiques correspondant à la période des faits. «II s’agissait soit de MDMA, soit de molécules antihistaminiques présentes dans des traitements contre le rhume en vente libre, ou d’un sédatif et un anxiolytique pour l’une d’entre elles», précisent les juges dans leur ordonnance. Toutefois, il serait impossible d’établir une chronologie exacte pour prouver leurs dires. Il n’en demeure pas moins que quatre plaintes sont déposées et conduisent à l’incarcération de Salim Berrada en octobre 2016, et une information judiciaire est ouverte dans la foulée. L’information circule dans le milieu de mode, gagne les réseaux sociaux, grossit à vue d’œil et entraîne de nouvelles dénonciations de jeunes femmes. Toutes décrivent un système de prédation similaire avec des conséquences dévastatrices sur leurs vies.
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De son côté, Salim Berrada placé sous contrôle judiciaire nie les faits et les échanges téléphoniques qu’il apporte en guise de preuves attestent de messages où 15 des 17 plaignantes le remercient pour «la super soirée passée», rapporte le JDD.
Salim Berrada persiste et signe
Après plusieurs demandes de remise en liberté, il sort de prison sous contrôle judiciaire en 2019, dans l’attente de son procès. Mais la même année, malgré l’interdiction qui lui est signifiée de retourner sur les réseaux sociaux, il réitère en créant des profils où il se fait appeler Solal ou Samuel. Dès lors, il prévient les femmes qu’il contacte que «si elles viennent chez lui, il y aura rapport sexuel. Il fait même des enregistrements audios de la soirée pour pouvoir prouver – au cas où – que ces dernières sont consentantes. Mais quand les femmes découvrent qui il est vraiment, alors elles portent plainte quand même», poursuit le JDD. Là encore, les preuves qu’il apporte tendent à prouver les rapports consentis. Selon lui, ces femmes «ont été déçues qu’il ne soit qu’un photographe amateur et ont donc voulu lui faire payer».
Mais une nouvelle jeune femme porte à son tour plainte pour viol aggravé en juin 2023. Sur la base de ce nouveau témoignage et de plusieurs autres, le parquet de Paris a diligenté de nouvelles investigations pour des faits susceptibles d’avoir été commis entre 2021 et 2023, ainsi qu’en 2013. Un deuxième dossier s’ouvre alors et quatre plaintes formulées à son encontre aboutissent à une nouvelle mise en examen et à un retour à la case prison, en juillet 2023.
Il risque 20 ans de prison pour viols avec circonstances aggravantes. Le verdict est attendu vendredi 29 mars.