Que cache le drôle de monologue proféré depuis la frontière maroco-algérienne par l’islamiste du régime d’Alger?

Abdelkader Bengrina, chef du parti islamiste algérien El Bina.

C’est une drôle de façon que vient d’adopter l’islamiste algérien imberbe Abdelkader Bengrina. Ce dernier s’est déplacé jusqu’à la frontière maroco-algérienne, un havre de calme et de stabilité, car hermétiquement et militairement fermée depuis des lustres, pour débiter un bref monologue qu’il prétend adresser au peuple marocain. Objectif: détourner les regards des fortes tensions actuelles aux frontières algéro-sahéliennes et algéro-libyennes en tendant une main timide au Maroc tout en l’accusant d’être responsable de tous les maux de l’Algérie.

Le 12/02/2024 à 16h24

Comme il fallait s’y attendre, alors que l’Algérie est plus que jamais au creux de la vague, c’est le Maroc qui va à nouveau lui servir pour exciper son profond malaise, matérialisé par un isolement régional et international inédit.

Mais la mise en scène est cette fois-ci de très bas aloi. Vêtu d’une djellaba à la marocaine, en lieu et place du burnous algérien, et entouré d’une poignée de membres de son parti, l’islamiste du pouvoir à Alger, Abdelkader Bengrina, s’est rendu le week-end dernier à la frontière maroco-algérienne en vue d’adresser, prétendait-il, un message au peuple marocain. Bien que d’habitude, Marocains et Algériens de cette région utilisent quasi quotidiennement des haut-parleurs pour communiquer entre eux de loin, en face d’Abdelkader Bengrina, il n’y avait, cette fois-ci, aucun interlocuteur côté marocain.

Mandaté par le clan du président Abdelmadjid Tebboune, comme il l’a fait récemment en le lâchant contre les Émirats arabes unis, accusés de vouloir établir des liens diplomatiques entre Israël d’un côté, et deux voisins de l’Algérie, à savoir la Tunisie et la Mauritanie, de l’autre, Abdelkader Bengrina a éjecté cette fois-ci son venin sur le Maroc tout en caressant dans le sens du poil les Marocains.

Il a ainsi déclaré que l’Algérie n’a jamais «exporté du terrorisme» vers le Maroc ni «abrité des terroristes qui ont causé des problèmes sécuritaires au Maroc».

Bien évidemment, Abdelkader Bengrina n’a pas donné la moindre preuve que le Maroc a soutenu le terrorisme en Algérie, ni osé rappeler l’attentat de l’hôtel Asni à Marrakech, le 24 août 1994, commandité par les généraux algériens, qui s’adonnaient à l’époque à un carnage en Algérie même, dans ce qui allait devenir la décennie noire avec ses plus de 250.000 morts et disparus.

Il a également fait semblant d’oublier que les autorités maliennes ont récemment cloué au pilori le régime algérien à travers un communiqué officiel, dans lequel Bamako accuse ouvertement l’Algérie d’avoir infesté le Sahel de groupes terroristes en vue de déstabiliser de façon permanente les pays et régimes de la région et les placer ainsi sous sa coupe.

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Aujourd’hui, alors que la seule frontière réellement sécurisée de l’Algérie est celle qu’elle partage avec le Maroc, Abdelkader Bengrina parle encore de drogue marocaine qui envahit, ô étonnement, «chaque mercredi» l’Algérie, jouant encore sur les contraires, puisque ce sont les psychotropes, dont l’Algérie est l’un des plus grands producteurs mondiaux, qui noient les voisins de l’Algérie, dont le Maroc en premier. Oubliant de dire que le fils du président de la République algérienne, Khalid Tebboune, a été incarcéré dans l’affaire «El Bouchi», parce qu’impliqué dans le dossier des 701 kg de cocaïne saisis au port d’Oran, avant que son père n’ordonne sa libération une fois qu’il a été désigné par Gaïd Salah comme chef d’État.

Prétendant que l’Algérie n’a jamais fait le moindre mal au Maroc et que ce dernier n’a «reçu de la part de l’Algérie que du bien», Abdelkader Bengrina a déclaré: «Nous n’avons jamais puisé au Maroc de l’essence, du gasoil ou quoi que ce soit, nous n’avons jamais vidé les supérettes de nos frères marocains de leurs produits alimentaires, comme le sucre et l’huile.»

Pourtant, c’est suite, voire immédiatement, après la fermeture des frontières avec le Maroc que des queues à n’en plus finir ont commencé à se former à travers toute l’Algérie, avec des millions d’Algériens en attente de se procurer qui un sachet de lait, qui un litre d’huile ou une poignée de lentilles… dévoilant au monde entier le vrai visage de l’Algérie, celui d’un État failli et privé de tout à cause de la corruption à grande échelle de ses caporaux.

Sans jamais consacrer le moindre mot aux séparatistes du Polisario que l’Algérie abrite, finance et arme en vue de s’opposer au parachèvement de l’intégrité territoriale du Maroc, Abdelkader Bengrina se plaint que le Maroc «évoque l’Histoire» pour attester que le Sahara oriental a historiquement et géographiquement fait partie du Royaume, avant que la France ne le rattache au territoire algérien qu’elle considérait alors comme partie intégrante de la métropole colonisatrice.

L’islamiste en arrive aussi à confirmer, malgré lui, ce que les médias marocains ont toujours écrit en qualifiant de caporaux les détenteurs du pouvoir en Algérie, autoproclamés généraux après avoir servi en tant que soldats dans l’armée coloniale française, comme les généraux Khaled Nezzar, Mohamed Lamari, Smaïn Lamari, Larbi Belkheir, Mohamed Touati… Il dégrade à son tour les généraux algériens, et même Abdelmadjid Tebboune, en les qualifiant de «djoundis», oubliant que la peine suprême à laquelle les tribunaux militaires algériens peuvent condamner un général, c’est de le déchoir au grade de «djoundi» comme cela a été fait pour le général-major Wassini Bouazza, ancien patron des renseignements intérieurs, emprisonné depuis avril 2020. Les généraux algériens sont donc des djoundis, soit moins que des caporaux, selon Abdelkader Bengrina. Dont acte.

D’ailleurs, à part le plus vieux général du monde encore en activité, à savoir Ben Ali Ben Ali, patron de la Garde républicaine, aucun autre militaire algérien ne peut se prévaloir aujourd’hui du titre de «moudjahid».

Pour rappel, Bengrina est le patron actuel du Mouvement El Bina El Watani (un parti pro-pouvoir qui se dit islamiste), fondé en 2013 après avoir fait scission avec le Mouvement pour la société et la paix (MSP, de Mahfoud Nahnah, proche des généraux). D’ailleurs, c’est lorsque les islamistes du MSP ont intégré pour la première fois le gouvernement, lors de la présidence du général Liamine Zéroual (1994-1999), qu’Abdelkader Bengrina, né en 1962 à Ouarghla, a été nommé ministre du Tourisme en 1997.

Ancien candidat à la succession d’Abdelaziz Bouteflika, Abdelkader Bengrina avait affirmé, lors de sa campagne pour la présidentielle de 2019, que la drogue rapporte au Maroc les mêmes revenus que le pétrole et le gaz pour l’Algérie. Une rengaine que les membres de la nomenklatura algérienne reprennent régulièrement en chœur pour détourner les regards de leur corruption et tenter ainsi de justifier le retard économique de leur pays par rapport au Maroc, pays non producteur de pétrole.

Le discours que vient de tenir Abdelkader Bengrina n’est rien d’autre qu’un vain prêche dans le désert, parce que le peuple marocain a pris la mesure de l’hostilité criante de l’Algérie et de ceux qui la dirigent à son égard, comme le prouvent l’acharnement contre l’intégrité territoriale, la propagande quotidienne dans les télévisions publiques et les scènes de liesse, avec incendie du maillot marocain, après la défaite des Lions de l’Atlas en 8ème de finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) en Côte d’Ivoire.

Ce discours qui se veut accablant à l’adresse des dirigeants et mielleux à l’adresse du peuple n’est pas une initiative spontanée. Le duo Tebboune-Chengriha a mis le feu aux frontières de l’Algérie. Ce pays entretient des relations explosives avec le Mali, le Niger et la Libye. L’armée algérienne, qui souffre de la corruption de ses généraux et de détournements fréquents, manque cruellement de matériels et de pièces de rechange pour faire des rondes dans un environnement hostile qui nécessite un écosystème de maintenance pointu. Le crash le 7 février d’un hélicoptère, faisant trois morts, deux officiers supérieurs et un sergent, est la marque patente de l’incapacité de l’Algérie à sécuriser le vaste territoire dont l’a généreusement dotée la France en amputant les pays voisins. Si l’on ajoute aux tensions avec les pays voisins la poudrière nommée Polisario, comme le prouvent ce lundi les incendies et actes de vandalisme suite à la condamnation d’un Sahraoui de la tribu des Rguibat par un tribunal de Tindouf, le cercle de feu n’épargne même plus des villes à l’intérieur de l’Algérie.

Dépassé, le régime algérien sait que le seul pays qui fait le job à la place de la junte en sécurisant ses frontières ouest est le Maroc. Dès lors, c’est davantage à un SOS qu’à une stigmatisation des dirigeants marocains qu’il faut assimiler le drôle de monologue d’Abdelkader Bengrina. Comme nous sommes dans un pays qui avance à hue et à dia, cette drôle de main timidement tendue sera contrariée par un autre clan. À moins que le cercle de feu n’arrive aux pieds des cadors des différents clans.

Par Mohammed Ould Boah
Le 12/02/2024 à 16h24