Dimanche 7 mai, le très épidermique Ramtane Lamamra, ministre algérien des Affaires étrangères, convoque l’ambassadeur tunisien en Algérie, Abdelmadjid El Ferchichi. Il y a, paraît-il, quelque chose de grave. «Les propos tenus par le ministre tunisien des Affaires locales Riadh Mouakher, le 4 mai à Rome, à l'égard de l'Algérie ont suscité des interrogations, autant au plan populaire qu'au plan officiel». Levée de boucliers dans la presse algérienne qui traite de tous les noms Riadh Mouakher et se scandalise que son voisin de l’Est qui vit, selon elle, grâce aux deux millions de touristes algériens qui s’y rendent chaque année, puisse oser parler de la sorte de l’Algérie
Or, qu’a-t-il dit de mal de l’Algérie, le ministre tunisien, pour faire l’objet de cette cabale féroce? «Quand on me demande où se situe la Tunisie, je ne vous cache pas que je préfère répondre qu’elle se trouve sous l’Italie. C’est mal vu de dire que la Tunisie se trouve entre l’Algérie, un pays communiste, et la Libye, un autre pays qui fait peur», a-t-il déclaré. Et voilà ce qui a valu au ministre tunisien d’être traité par les thuriféraires du régime algérien de «cynique, ignorant de la géopolitique ou encore les deux à la fois avec la mauvaise foi en argument»!
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Pourtant, le ministre tunisien n’a fait que répéter ce que martèlent les différents dirigeants algériens depuis l’indépendance de ce pays en 1962. La République algérienne démocratique et populaire (c’est le nom complet et officiel de l’Algérie tel qu’écrit dans la Constitution de ce pays) porte dans sa dénomination même une charge éminemment communiste. L’un des derniers pays communistes de la planète, la Corée du Nord, se définit ainsi: la République populaire démocratique de Corée (RPDC). Il existe une quasi-similitude entre les valeurs et principes dont se réclament la République algérienne démocratique et populaire et la République populaire démocratique de Corée. Et pas seulement d’ailleurs: les points communs entre ces deux pays dépassent largement les noms dont ils se prévalent.
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Parlons vrai, parlons clair: l’Algérie est bel et bien un pays communiste. Le voisin de l’Est en a fait le choix idéologique et continue d’appliquer le même système hérité de la pourtant défunte époque du communisme, que l’on croyait enterrée à jamais avec la chute du tristement célèbre «Berliner Mauer» (Mur de Berlin) au tout début des années 90. Pour s’en apercevoir, il n’est qu’à constater que l’Algérie continue de dépendre de «l’Etat-Sonatrach» dont la quasi-totalité des marchés est tributaire. Le régime algérien peut-il nier qu’il ne doit sa survie qu’à la seule Sonatrach, dont les recettes en hydrocarbures représentent 98% des exportations algériennes et 60% des recettes de l’Etat? C’est en effet ce géant des hydrocarbures qui irrigue les entreprises algériennes, régente et distribue les transactions en fonction de l’allégeance de chacune au régime en place. Un règne absolu de «l’Etat-Sonatrach» sur une économie de rente et qui tire sa plus-value des énergies fossiles, pétrole et gaz compris. Où sont alors le libéralisme et l’économie de marché?
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Un monopole financier qui en appelle un autre, celui-là politique personnifié par le Front de libération nationale (le fameux parti unique des communistes) qui détient les rênes du pouvoir depuis l’Indépendance de l’Algérie, en 1962. Les 70 autres partis «agréés» ne servent évidemment que de figurants pour la «République démocratique populaire algérienne»! Sur le plan politique, il apparaît donc à l’évidence que l’Algérie continue d’être dirigée par un parti unique, à l’instar des anciens partis communistes. À la différence près que ces partis ont soit disparu ou bien se sont transformés en coquilles vides n’ayant plus aucune prise sur le cours des événements.
L’Algérie est l’un des très rares pays au monde à continuer à appliquer un système hérité de la belle époque de Staline, sachant que même les pays berceau de ce communisme, dont la fédération de Russie et la République populaire de Chine, se sont convertis à l’économie de marché.
A l’heure où les frontières se diluent à vue d’œil, où la tendance dominante est la libre circulation et l’ouverture des marchés, le régime autarcique algérien continue de cadenasser ses frontières, comme c’est le cas à sa frontière ouest avec le Maroc. Un repli anachronique, aux antipodes des échanges de personnes et de biens dans le monde. Alors, pourquoi s’émouvoir des propos d’un ministre tunisien qui n’a fait que dire ce dont l’Algérie se réclame aussi fièrement?