Pour la presse française, le rappel de l’ambassadeur algérien est symptomatique de la «fragilité du pouvoir» en Algérie

En dépit de l'arrêt forcé des manifestations, à cause du Covid-19, la répression continue de s'abattre en Algérie.

En dépit de l'arrêt forcé des manifestations, à cause du Covid-19, la répression continue de s'abattre en Algérie. . DR

Revue de presseKiosque360. La décision prise par Alger de rappeler «immédiatement» son ambassadeur à Paris pour consultation, en réaction à la diffusion de deux documentaires sur le Hirak en France, est un non-sens. Pour la presse française, ce rappel suggère une «certaine fragilité du pouvoir» algérien.

Le 29/05/2020 à 00h12

Le régime algérien, ne sachant plus que faire face à la multiplication de problèmes internes aussi aigus les uns que les autres (baisse des prix du pétrole, perte de clients pour le gaz, crise sanitaire, Hirak confiné mais toujours pesant…), est tout simplement en train de se tirer des balles dans le pied.

Ce mercredi 27 mai, Alger a pris une décision que tout un chacun a jugé surprenante et disproportionnée, en rappelant son ambassadeur à Paris en guise de protestation contre la diffusion par les chaînes françaises France 5 et LCP (chaîne parlementaire) de deux documentaires sur le mouvement de contestation populaire qui secoue l’Algérie depuis plus d’une année.

Pour la presse française de ce jeudi 28 mai, la disproportion entre les reproches et la décision algérienne est flagrante. «Que deux documentaires puissent créer un début de crise diplomatique entre Alger et Paris semble a priori hors de proportion», écrit Le Point. Selon ce dernier, si Alger a réagi d’une façon qui s'apparente à de la paranoïa, une seule et unique raison explique sa «gestuelle», celle de faire «un usage fort tactique de l'actualité par un régime en grande difficulté politique et économique».

En effet, quel journaliste peut rester indifférent au Hirak, un mouvement populaire très bien organisé malgré l’absence de tout leader, et qui secoue l’Algérie depuis maintenant soixante semaines d’affilée (sans compter la période de confinement)?

Pour Le Point, s'agissant du documentaire de la chaîne LCP, «Algérie: les promesses de l’aube», c’est certainement le sous-titre «Algérie, la révolution jusqu’au bout?» qui a fait sortir les oligarques algériens de leurs gonds. S’y ajoutent les débats qui ont suivi sur le plateau de ladite chaîne, mais aussi le fait que dans leurs témoignages, de jeunes Algériens interviewés «appelaient à un changement de gouvernance» et à «leurs droits aux libertés individuelles.»

Cette colère feinte du régime algérien, conclut Le Point, n’est finalement rien d’autre qu’une tentative «de miner le hirak en montant les uns contre les autres».

Une colère que Le Monde qualifie de populiste à travers le témoignage d’un cinéaste algérien: «Si les autorités ont réagi, ce n’est pas pour la politique extérieure, mais bien pour l’opinion intérieure. C’est du populisme.» Pour le célèbre journal parisien, en agissant de la sorte, le régime algérien tenterait de masquer l’acharnement continu de ses «services» qui arrêtent et jugent à tour de bras les figures de proue du hirak, dont «des journalistes, de jeunes internautes critiques du pouvoir».

De son côté, et sous le titre «Coup de chaud diplomatique entre Paris et Alger», Le Figaro rappelle que le pouvoir algérien, qui se situe en bonne place parmi les régimes les plus autoritaires de ce monde, s’est trompé d’ennemi en s’attaquant à la presse et en sanctionnant le gouvernement français dans une affaire qui ne le concerne en rien.

Rappelant les précédents incidents diplomatiques qui ont récemment émaillé les relations entre Paris et Alger, Le Figaro estime que «le caractère tout à fait disproportionné du nouvel incident diplomatique suggère une certaine fragilité du pouvoir, qui pourrait utiliser la carte du nationalisme pour masquer ses difficultés politiques et économiques». En effet, si la pandémie de Covid-19 a momentanément arrêté le hirak, «les manifestations reprendront» à coup sûr, et la crise économique en Algérie va même «grossir le nombre des mécontents», prédit Le Figaro.

Par Mohammed Ould Boah
Le 29/05/2020 à 00h12