Depuis plusieurs mois, les dentistes algériens font face à une véritable pénurie d’anesthésiants dentaires, au point de devoir faire la queue pendant de longues heures pour espérer obtenir deux boîtes de ce produit pharmaceutique auprès du seul revendeur de tout le pays, sis à Baba Hacen, à l’ouest d’Alger.
Une situation intenable pour les praticiens et leurs patients, qualifiée d’«humiliation» et de «honte» par le président du Conseil national de l’ordre des médecins dentistes en Algérie, Mohamed Reda Dib. «Est-ce qu’il n’y a qu’un seul fournisseur en Algérie? Tous les dentistes algériens viennent de tout le pays pour faire la chaîne à 3h00 du matin, afin d’acheter de l’anesthésiant dentaire à Baba Hacen», dénonçait-il il y a quelques semaines dans la presse locale.
Fâcherie avec l’Espagne
Interpellé par la profession, le ministère de l’Industrie et de la production pharmaceutique a réagi dans un premier temps par voie de communiqué, en expliquant, le 8 juin, que cette pénurie était due à deux facteurs. Le premier serait l’arrêt de l’approvisionnement du marché algérien par un important opérateur. Mais si le ministère ne rentre pas dans les détails à ce sujet, Mohamed Reda Dib, lui, le fait, en expliquant que l’opérateur en question importait son produit d’Espagne, pays avec lequel l’Algérie a décidé de geler les transactions commerciales depuis juin 2022, en représailles à la décision du gouvernement espagnol d’appuyer le plan d’autonomie marocain sur son Sahara.
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Autre facteur justifiant cette pénurie, selon le ministère de l’Industrie et de la production pharmaceutique: la volonté d’un importateur de ce produit de tripler les prix, ce qui a provoqué l’intervention du ministère pour maintenir les prix à leur état, dixit ledit ministère dans son communiqué.
L’ombre de la main étrangère
Mais le 26 juin, alors que le ministre de l’Industrie et de la Production pharmaceutique, Ali Aoun, effectuait une visite de travail et d’inspection dans la wilaya de Bouira, celui-ci a éclairci les motivations du régime algérien qui se cachent derrière ce deuxième facteur.
Le ministre a ainsi fait une annonce de taille. Dénonçant «un fait très grave», à savoir que, selon lui, «l’anesthésiant existe» en Algérie -il n’y aurait donc pas de pénurie-, le problème poursuit-il, «c’est l’intervention de certains lobbies qui veulent imposer l’anesthésiant français qui coûte trois fois plus cher que le produit que nous avons ici». Et de taper du poing sur la table: «Je dis non et je n’abdique pas!».
Ali Aoun persiste et signe en décrétant que le problème n’est pas lié à la facturation, mais à «un problème de lobbies», car, va-t-il jusqu’à affirmer avec la même verve, «aujourd’hui, l’anesthésiant existe au niveau des hôpitaux et dans des cliniques privées, mais certains s’obstinent à vouloir le produit français, moi je dis non!». Une sortie qui n’a pas manqué de faire réagir les dentistes en Algérie, où «90% des cabinets dentaires sont fermés en raison de la pénurie», ont-ils rappelé au ministre par voie de presse.
Qu’à cela ne tienne, cette prise de position est au diapason des fondamentaux du régime algérien, à savoir que la haine anti-française a atteint un tel point qu’aujourd’hui, les autorités du pays préfèrent encore infliger à leurs compatriotes la douleur d’une extraction dentaire sans anesthésie, plutôt que de recourir à des produits anesthésiants importés de France.
Le citoyen algérien trinque
Cette annonce grave, dont le citoyen algérien est la première victime, intervient sans surprise quelques semaines après qu’un couplet hostile à la France a été réintroduit dans l’hymne national algérien par décret du président Abdelmadjid Tebboune.
«Oh, France ! Le temps des palabres est révolu. Nous l’avons clos comme on ferme un livre. Oh, France ! Voici venu le jour où il te faut rendre des comptes. Prépare-toi ! Voici notre réponse. Le verdict, notre révolution le rendra. Car nous avons décidé que l’Algérie vivra. Soyez-en témoin!», indique le troisième couplet de «Kassaman», qui n’était plus chanté depuis 1986 que lors des congrès du FLN ou l’investiture du président algérien. Mais en attendant l’heure de rendre des comptes pour la France, c’est le citoyen algérien qui trinque.