À quelques jours de l’élection présidentielle américaine, la visite à Jérusalem des émissaires Amos Hochstein et Brett McGurk vise en particulier à trouver une issue à plus d’un mois de guerre entre Israël et le mouvement islamiste libanais, soutenu par l’Iran.
La nuit a été marquée par de nouveaux bombardements sur la banlieue sud de la capitale libanaise, régulièrement visée ces dernières semaines par l’armée israélienne qui avait lancé un appel à évacuer plusieurs secteurs.
L’agence nationale libanaise (ANI) a fait état d’au moins 10 frappes. Selon les images diffusées par l’AFPTV, elles ont provoqué de fortes explosions et d’épaisses volutes de fumée se sont ensuite élevées de la zone.
«Les raids ont provoqué des destructions massives dans les zones visées et des dizaines de bâtiments ont été rasés», a rapporté l’ANI, faisant état également de départs d’incendies.
Jeudi, six secouristes affiliés au Hezbollah et son allié Amal avaient été tués dans des raids israéliens dans le sud du Liban, selon les autorités libanaises. Des bombardements ont notamment visé les environs de Tyr, dans le sud, et de Baalbeck, dans l’est.
Plan américain
Israël affirme vouloir neutraliser le Hezbollah dans le sud du Liban pour permettre le retour de quelque 60.000 habitants du nord de son territoire déplacés par les tirs de roquettes incessants depuis le début de la guerre à Gaza.
Dans le nord d’Israël jeudi, des tirs de roquettes depuis le Liban ont encore fait sept morts, selon les autorités locales, dont quatre travailleurs agricoles étrangers à Metoula. La Thaïlande a fait ensuite état de la mort de quatre ressortissants dans cette ville frontalière.
Selon des médias israéliens citant des sources gouvernementales, le plan préparé par les émissaires américains prévoit un retrait du Hezbollah du sud du Liban, frontalier du nord d’Israël, ainsi que le retrait de l’armée israélienne de cette région, dont le contrôle reviendrait à l’armée libanaise et aux Casques bleus de l’ONU.
Le Liban aurait la responsabilité d’empêcher le Hezbollah de se réarmer et Israël conserverait son droit à se défendre dans le respect du droit international, selon ce document.
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Des responsables israéliens ont affirmé que les soldats, engagés dans une offensive terrestre dans le sud du Liban depuis le 30 septembre, ne se retireraient pas avant un accord qui satisferait les exigences de sécurité d’Israël.
Démantèlement total
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a reçu jeudi les émissaires américains, a assuré «apprécier» le soutien de Washington, tout en refusant de céder aux pressions de son allié.
«Les armées terroristes ne seront plus à nos frontières. Le Hamas ne contrôlera plus Gaza et le Hezbollah ne s’installera pas à notre frontière nord dans des positions permettant d’envahir» Israël, a-t-il insisté.
Mais selon des médias israéliens, un cessez-le-feu semble de plus en plus probable, après que le chef d’état-major israélien, le général Herzi Halevi, a fait état du «démantèlement total de la chaîne de commandement» du Hezbollah.
Mercredi, le nouveau chef du Hezbollah, Naïm Qassem, s’était dit prêt de son côté à un cessez-le-feu «sous conditions», sans préciser lesquelles.
La visite des émissaires américains a également pour but, selon Washington, d’obtenir des progrès en vue d’une fin de conflit dans la bande de Gaza, où l’armée israélienne concentre principalement depuis le 6 octobre son offensive dans le nord, sept frappes aériennes ont visé jeudi Jabalia, Beit Lahia et Gaza-ville, selon des témoins.
Les forces de frappe de Téhéran affaiblies
Téhéran minimise, Israël évoque un nouvel «équilibre des forces». Les récentes frappes d’Israël sur l’Iran ont touché plusieurs installations militaires et, selon des analystes, affaibli encore la force de frappe de la République islamique, donc sa capacité de dissuasion.
Samedi dernier, Israël a effectué des raids aériens en réponse à l’attaque de missiles iraniens du 1er octobre. Une attaque menée elle-même en représailles à l’assassinat de dirigeants du Hamas palestinien et du Hezbollah libanais, des mouvements islamistes soutenus par Téhéran.
Même si l’Iran n’admet que des «dégâts limités», ce énième avatar de l’escalade bilatérale est significatif, pour les analystes occidentaux consultés par l’AFP: les raids ont visé tant les défenses aériennes de l’Iran que sa capacité à frapper.
«Israël a utilisé quelque 100 avions de combat, et possiblement des systèmes de drones», affirme l’institut américain Hudson. «Attaquant sur trois vagues, les forces armées israéliennes ont visé les capacités de production de missiles et l’architecture de la défense aérienne» iraniennes.
Sur les quatre sites de production de combustible solide, utilisé par les fusées et missiles iraniens, trois ont été touchés à Sharhoud, Khojir (Est) et Parchin (près de Téhéran), selon Fabian Hinz, expert de l’Institut international pour les études stratégiques (IISS).
Israël a «délibérément visé un goulot d’étranglement du processus de fabrication qui aura d’importantes conséquences sur la production de missiles», explique-t-il à l’AFP.
Les frappes ont aussi détruit des systèmes anti-aériens russes S-300, ainsi que des radars longue portée.
«Des responsables américains et israéliens ont confirmé que les frappes avaient rendu inutilisables les S-300″ et endommagé des sites de radars « présentés comme capables de détecter les missiles balistiques et avions furtifs», assure l’American Enterprise Institute (AEI) à Washington.
Course contre la montre
Israël a en outre préalablement frappé des groupes pro-iraniens en Irak et Syrie, tout en poursuivant son offensive au Liban contre le Hezbollah.
Ce dernier disposait de missiles longue portée qui permettaient de défendre les installations nucléaires de son allié. Mais ses capacités ont chuté. «Le mouvement dissuadait Israël et ce n’est plus le cas», tranche Fabian Hinz.
Israël peut désormais, plus facilement qu’auparavant, frapper des installations énergétiques ou militaires iraniennes. Et les deux pays, dotés d’industries militaires puissantes, sont condamnés à la surenchère.
«Il y a une course contre la montre entre l’Iran, qui doit produire un maximum de missiles balistiques suffisamment précis et efficaces, et Israël qui doit produire ou acquérir aux États-Unis un maximum de missiles anti-missiles», résume pour l’AFP Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES). «Le premier qui tombe à court de munition se trouvera en situation de très grande vulnérabilité».
Le bras de fer prend dès lors une dimension planétaire. L’Iran attend les chasseurs Soukhoï Su-35 promis par la Russie il y a 18 mois et doit se réapprovisionner en S-300, voire en leur version plus avancée S-400.