Mascarade de la présidentielle algérienne, le jour d’après: la monnaie s’effondre

Un cambiste au Square Port Saïd à Alger, le vrai marché des changes en Algérie.

La poussière du scandale de la présidentielle algérienne et de son lot de fraudes massives et de chiffres cacophoniques n’était pas encore retombée, qu’un nouveau feu se déclare dans le pays du monde à l’envers, cette fois-ci sur le front de l’économie. Le taux de change du dinar algérien sur le marché parallèle, le seul qui vaille, enregistre des records de baisse face à l’euro: depuis le dimanche 15 septembre, 1 euro s’échange contre pas moins de 244,5 dinars. Un nouveau symptôme d’une économie en faillite, d’institutions qui périclitent et de citoyens qui ne font plus confiance à leur monnaie.

Le 16/09/2024 à 12h38

En offrant à la terre entière le désolant spectacle d’une présidentielle où le ridicule de la campagne l’a disputé à la mascarade des résultats, le régime d’Alger n’a pas seulement vidé le pays de tout semblant de crédibilité. Il l’a également, et littéralement, ruiné. Preuve en est l’effondrement de la monnaie algérienne face à l’euro ces derniers jours.

Depuis le dimanche 8 septembre, au lendemain de la fameuse présidentielle, dont la seule certitude est d’avoir (re)porté un Tebboune sénile et mythomane à la tête du pays, la valeur du dinar algérien ne cesse de chuter, signe supplémentaire d’une perte totale de confiance des Algériens dans un pays désormais désossé de toute institution crédible.

Ainsi, et selon ces mêmes médias qui tressent des lauriers en paille à un «Système» en carton, le 8 septembre, l’euro était coté à 242,5 dinars sur le marché noir des devises, le seul qui corresponde à la réalité. Le dimanche 15 septembre, la devise européenne s’échangeait contre 244,5 dinars, soit une hausse de deux dinars en l’espace d’une seule semaine. Résultat, pour acheter 100 euros, il faudra désormais débourser 24.450 dinars, contre 24.250 DZD une semaine plus tôt, jour pour jour.

Évidemment, ce n’est pas du côté des banques, et encore moins du côté de la Banque centrale algérienne, qu’il faut regarder pour avoir la vérité des taux de change. Dans le pays du monde à l’envers, la marketplace de référence pour l’achat et la vente de devises, c’est le fameux square d’Alger, soit le marché noir, où les transactions se font sous le manteau. Le Square Port Saïd à Alger est le véritable indicateur du taux de change en Algérie. Car sur le marché «officiel», la monnaie locale est restée parfaitement stable: selon la cotation commerciale du dinar algérien, fixée par la Banque d’Algérie entre le 13 et le 17 septembre, un euro est proposé à la vente à 146,5 dinars. Mais il ne s’agit là que de «monnaie de singe» et de taux totalement fictifs, situation qui s’explique par la faiblesse du système bancaire algérien et l’absence de bureaux de change.

Square Port Saïd est la vraie bourse de change du pays, vers laquelle voyageurs, hommes d’affaires et même des parlementaires et des ministres (Ahmed Ouyahya y écoulait de ses propres aveux des lingots d’or) se dirigent pour vendre des dinars contre des devises. Et pour cause, la prime appliquée sur le marché parallèle est nettement plus importante par rapport au taux de change officiel. Ce marché est alimenté grandement par le rapatriement des retraites d’anciens expatriés algériens, les transferts de fonds de la diaspora, la surfacturation des importations, les spéculations sur les devises ou encore la fuite des capitaux.

Quand les Algériens votent avec leur pied… et leur porte-monnaie en devises

Que dit donc la baisse du dinar algérien face à l’euro en particulier? En règle générale, un tel phénomène, et l’Algérie nous y a habitués, tient à l’évolution du PIB du pays et donc à la création de richesse, à l’évolution du cours du baril de pétrole, qui influe sur la valeur du dinar, avec souvent un tarissement des réserves en devises, et à la productivité de l’économie algérienne hors hydrocarbures, par définition faible, et son impact dans le contexte mondial et le niveau de l’inflation.

Sauf que cette fois-ci, un autre facteur, le plus grave de tous, est venu se rajouter: la totale perte de confiance du marché au lendemain du simulacre de présidentielle qui a mis à nu l’absence d’institutions un tant soit peu crédibles.

Le récit est une suite de couacs démontrant que le régime est incapable ne serait-ce que de sauver les apparences. En version très courte, et dans l’ordre ou presque: un taux de participation officiel annoncé à 48%, alors que, tout aussi officiellement, ils étaient à peine 5,6 millions de suffrages exprimés sur 24,5 millions d’inscrits sur les listes électorales, selon les chiffres donnés par l’Autorité nationale indépendante pour les élections (ANIE). Le taux de participation réel se limitait donc à près de 23%. L’instant d’après, un président mal élu qui monte au créneau avec ses deux lièvres pour dénoncer les résultats… qui l’ont fait vainqueur. Une semaine après: une Cour constitutionnelle qui explose tout pour sortir ses propres chiffres. En croyant sauver Abdelmadjid Tebboune du cinglant camouflet électoral infligé par les Algériens, qui ont massivement boudé les urnes, elle a abaissé de 10 points le taux de voix exprimées en sa faveur… tout en lui accordant 2,5 millions de voix de plus.

De quoi transformer les élections présidentielles anticipées du 7 septembre en piètre vaudeville.

Le jeu de l’offre et de la demande

«Money talks», disent affectueusement les Américains. Si les Algériens ont voté avec leur pied en boycottant les élections, les plus bankables parmi eux préfèrent désormais garder leur bas de laine en devises, créant une raréfaction de l’offre et, par ricochet, un surenchérissement de la valeur de l’euro, monnaie la plus convoitée.

La règle économique est des plus basiques: l’effondrement d’une monnaie a pour corollaire immédiat celui de toute l’économie, ou de ce qui en reste. Et l’argent du pétrole et du gaz -dont les cours sont également en baisse- n’y changera rien. Quand les Algériens échangent dare-dare leurs dinars contre des euros ou des dollars, cela ne veut dire qu’une seule chose: ils ne font pas confiance à la monnaie nationale, et partant au garant de cette monnaie, supposé être l’État. Cette course à se débarrasser des dinars aura des répercussions brutales à la fois économiques et politiques.

Par Tarik Qattab
Le 16/09/2024 à 12h38