Maroc-UE: éloge de la diplomatie parlementaire

Florence Kuntz.

Florence Kuntz.

ChroniqueTous les cinq ans, le Parlement européen renouvelle ses délégations interparlementaires. Il vient de voter leur nombre, et la composition numérique de chacune d’elle. Dix-huit eurodéputés, siégeant dans la «délégation pour les relations avec les pays du Maghreb», seront des interlocuteurs officiels, et privilégiés, à la fois des décideurs politiques et de la société civile de la région.

Le 28/09/2024 à 10h01

Les délégations interparlementaires du Parlement européen? Des groupes d’eurodéputés qui entretiennent et approfondissent les relations avec les parlements de pays tiers, ou de régions et d’organisations tierces. La délégation du Parlement européen pour les relations avec les pays du Maghreb et l’Union du Maghreb arabe (DGMA) entretient des liens avec cinq pays voisins (Maroc, Mauritanie, Algérie, Tunisie et Libye) et avec le groupe régional de l’Union du Maghreb arabe (UMA). Elle existe depuis 1979, année des premières élections au suffrage direct de ce Parlement. Elle rencontre régulièrement des représentants de chacun des cinq pays, et a concrétisé une coopération renforcée formelle avec le Maroc, dès 2010, puis de la Tunisie (2016) et de l’Algérie (2018) via des commissions parlementaires mixtes qui se réunissent, pour chacune d’elle, en théorie annuellement, alternativement au Parlement et dans les trois pays.

Concrètement, la délégation Maghreb tient une réunion mensuelle -à Bruxelles ou Strasbourg- qui sert à débattre de la situation dans la région, de l’état des relations de chacun des pays maghrébins avec l’UE, et à discuter des actions diplomatiques parlementaires à mener. Des échanges sont régulièrement organisés avec les parties prenantes, Service diplomatique de l’UE et Commission européenne, ONG et représentants de la société civile. Ils permettent assurément aux eurodéputés de mieux appréhender les défis régionaux, et de s’interroger sur la manière dont l’Union européenne devrait aborder les grands sujets, bilatéraux comme régionaux. De ce point de vue, on ne soulignera jamais assez l’importance de la diplomatie parlementaire Maroc-UE tant, comme le martèle Samir Addahre dans son plaidoyer pour la diplomatie culturelle, «nous vous connaissons mieux que vous ne nous connaissez»!

Qu’attendre de nouveau pour 2024? Dans sa feuille de route pour la mandature, la délégation met l’accent sur la surveillance de la situation dans la bande sahélienne et son incidence sur le Maghreb, la collaboration avec d’autres délégations interparlementaires (Palestine, Israël et Machrek), à favoriser une coopération plus étroite (réunions et déplacements) avec les commissions thématiques du Parlement, en particulier «affaires étrangères», «libertés civiles, justice et affaires intérieures» (migration et réfugiés), «droits de l’homme»…

«Par ses activités et par sa composition, cette délégation s’affirme comme le creuset de la diplomatie parlementaire entre les pays du Maghreb et l’Union européenne, transpartisan et transparent.»

Un vaste programme dont on pourrait se réjouir, si l’on considère que, par ses activités et par sa composition, la délégation s’affirme comme le creuset de la diplomatie parlementaire entre les pays du Maghreb et l’UE, transpartisan et transparent. En soi, son mode de constitution est déjà la garantie du pluralisme. Les 18 membres représentent l’exact équilibre de l’hémicycle: la délégation du PPE est la plus nombreuse, les 2 grands groupes comptent pour 45% des effectifs, et les 8 groupes politiques sont représentés, le plus petit d’entre eux avec un seul élu!

Comme dans toute délégation interparlementaire, chacun s’est inscrit par une démarche volontaire, avec curiosité pour les néophytes, le plus souvent par fidélité: les uns à une histoire personnelle -une naissance à Casablanca, des aïeux souiris ayant quitté le Maroc après la guerre des Six Jours, les autres à leurs promesses de campagne, combattre la migration pour Vox ou soutenir le Polisario pour Sumar (avant même d’être élue, Estrella Galan rencontrait Abdulah Arabi au Congrès des députés et s’engageait à défendre le mouvement au Parlement européen), ou enfin, pour les élus latins, à la géographie de leur circonscription -13 députés sur les 18 sont issus des trois «grands pays» de la Méditerranée: France, Espagne et Italie. Unis dans la diversité donc, et réunis dans une enceinte qui aurait ainsi vocation à traiter de tous les sujets de la région, assurément en totale transparence, puisque l’ensemble des ordres du jour, invitations et déplacements sont consignés et accessibles aux tiers.

Que demander de plus? Rien, absolument rien! Ni groupes d’amitié bilatéraux -en cela, le règlement intérieur du PE est venu préciser que «les groupements non officiels liés à des pays tiers pour lesquels il existe une délégation interparlementaire permanente ne bénéficient d’aucune des facilités du Parlement pour leurs activités»; ni ce vestige de diplomatie parallèle que constituerait l’intergroupe «Sahara occidental» s’il était reconduit, pour cinq ans, par la Conférence des présidents du Parlement. Quels groupes politiques, quels députés de la délégation interparlementaire régionale vont explicitement s’opposer à cette requête d’eurodéputés violant «la loi intérieure» de leur Assemblée?

On attend impatiemment que la «délégation Maghreb» -dont la réunion constitutive aura lieu 3 octobre prochain- se dote d’un bureau et lance ses ambitieux travaux!

Par Florence Kuntz
Le 28/09/2024 à 10h01