L’Union européenne au chevet d’une filière automobile en plein doute

Ola Källenius, patron du groupe Mercedes et président de l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA).

Mis à mal par la concurrence chinoise et les velléités protectionnistes de l’administration Trump, les constructeurs automobiles européens demandent une concertation avec les instances de l’UE pour reporter les ambitieux objectifs environnementaux et accorder d’éventuelles aides au secteur.

Le 27/01/2025 à 08h39

Les constructeurs automobiles européens, inquiets, convergent cette semaine à Bruxelles pour une concertation avec l’Union européenne qui devra composer entre ses ambitieux objectifs environnementaux et les appels à l’aide du secteur. Face à «l’urgence et la gravité de la situation», la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ouvrira jeudi ce dialogue stratégique de plusieurs mois.

L’automobile européenne est frappée de plein fouet par la concurrence chinoise. Et l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis laisse craindre une explosion des droits de douane sur les voitures européennes.

Des annonces de suppression d’emplois se sont multipliées en Europe ces derniers mois. Comme un symbole, l’usine Audi de Bruxelles (groupe Volkswagen) s’apprête à cesser sa production fin février. Les ventes du modèle haut de gamme de voiture électrique qu’elle fabriquait sont en baisse, et la direction met en avant «des coûts de production élevés» dans la capitale belge.

Face à la crise, la Commission promet d’accompagner le secteur automobile qui emploie 13 millions de personnes au sein de l’UE et représente environ 7% de son PIB. De premières mesures pourraient être annoncées fin février, afin de soutenir les achats de voitures électriques ou tenter de sécuriser les chaînes d’approvisionnement en matières premières.

Les constructeurs, eux, demandent de la «flexibilité» sur les règles environnementales européennes. Car le précédent mandat d’Ursula von der Leyen a été marqué par les ambitieuses mesures du Pacte vert, assorti de l’interdiction à la vente des véhicules thermiques neufs en 2035.

D’ici là, les constructeurs doivent continuer à réduire leurs émissions de CO2. Globalement respectée jusqu’ici, la trajectoire a franchi un nouveau palier à partir de janvier, avec un durcissement des règles et des sanctions. Les constructeurs européens s’exposent à de lourdes amendes s’ils ne respectent pas leurs objectifs en la matière en 2025.

Non aux amendes

L’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) est montée au créneau pour s’opposer à ces amendes potentielles. Car le marché européen tourne au ralenti: la part des voitures électriques dans les ventes a baissé à 13,6% en 2024, contre 14,6% en 2023.

«Nous devons rester compétitifs», a plaidé le patron de Mercedes et de l’ACEA, Ola Källenius. «Dans une phase critique de la transformation, de lourdes amendes pour non-respect des normes de CO2» risqueraient de priver l’industrie européenne des fonds nécessaires pour innover et investir, a-t-il écrit à Ursula von der Leyen.

La France et l’Italie ont appelé l’UE à renoncer à ces amendes cette année. Bruxelles temporise et attend de voir les chiffres 2025 et les émissions réelles des constructeurs, afin d’éviter qu’un report des amendes profite à ceux qui auraient fait le moins d’efforts.

Les organisations environnementales sont inquiètes. Renoncer aux amendes enverrait un mauvais signal, estime Lucien Mathieu, de Transport et Environnement (T&E), une fédération d’ONG. Cela laisserait penser aux constructeurs automobiles européens «qu’ils peuvent ralentir», alors qu’ils «sont déjà en retard» en matière de véhicules électriques, souligne-t-il auprès de l’AFP.

Car pendant que l’électrique patine en Europe, la Chine, pionnière mondiale, continue de porter le marché avec 11 millions de véhicules vendus en 2024, un chiffre en hausse de 40% sur un an. L’Europe a engagé un bras de fer commercial avec Pékin, à qui elle reproche d’avoir artificiellement dopé sa filière électrique à coups de subventions publiques.

Malgré l’hostilité de l’Allemagne, Bruxelles a ainsi décidé fin octobre d’ajouter aux 10% de taxes déjà en place une surtaxe allant jusqu’à 35% sur les voitures à batterie de fabrication chinoise. L’industrie européenne des batteries est «à la traîne» avec «moins de 10% des capacités mondiales», s’alarmait un rapport de la Cour des comptes européenne en avril 2024. Et le maillage de bornes de recharge en Europe «n’est toujours pas assez dense», regrettait-elle.

Par Le360 (avec AFP)
Le 27/01/2025 à 08h39