Les Tunisiens élisent un Parlement inoffensif dans l'ombre du président Saied

Un jeune femme passe devant des affiches de candidats à l'élection nationale tunisienne prévue ce 17 décembre, collées sur un mur le long d'une route à Tunis. . FETHI BELAID / AFP

Les Tunisiens élisent samedi leurs députés lors d'élections boycottées par la majorité des partis, dernière étape dans l'édification d'un système hyper-présidentialiste par le chef de l'Etat Kais Saied après son coup de force il y a un an et demi.

Le 17/12/2022 à 06h37

Le scrutin se déroule à l'issue de trois semaines d'une campagne électorale terne, avec très peu d'affiches de candidats dans les rues et en l'absence de débats sérieux, au moment où la population paraît surtout préoccupée par la dégradation continue des conditions de vie.

Une nouvelle chambre de 161 députés doit remplacer celle que Saied a gelé le 25 juillet 2021, après des mois de blocages des institutions en place depuis la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, lors de la révolte des Printemps arabes de 2011.

Le Parlement issu des législatives --après un second tour organisé d'ici début mars-- sera doté de compétences très restreintes en vertu de la nouvelle Constitution que Saied a fait adopter cet été lors d'un référendum marqué par une abstention massive (près de 70%).

Il ne pourra pas destituer le président et il lui sera pratiquement impossible de censurer le gouvernement. Il faudra dix députés pour proposer une loi et le président aura la priorité pour faire adopter les siennes.

Saied a imposé un nouveau mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours qui réduit fortement le rôle des partis politiques, avec des candidats sans affiliation affichée.

«Un non-évènement»«Ce vote est une formalité pour parachever le système politique imposé par Kais Saied et concentrer le pouvoir entre ses mains», indique à l'AFP le politologue Hamza Meddeb.

«Les Tunisiens savent que le Parlement n'aura aucun poids politique et sera dénué de tout pouvoir», estime-t-il, prévoyant une participation «très faible».

«Il n'y a aucune ambiance électorale (...) C'est un non-évènement», ajoute Meddeb.

Les candidats, inconnus pour la plupart du grand public, sont «des novices en politique, incapables de mobiliser dans un contexte économique extrêmement dégradé», ajoute le politologue.

Selon l'Observatoire tunisien de la transition démocratique, la moitié des candidats (1.058) sont des enseignants ou des fonctionnaires de niveau intermédiaire. Les femmes représentent moins de 15% des postulants, alors que la parité des candidatures était auparavant obligatoire.

La principale préoccupation des 12 millions de Tunisiens (dont 9 millions d'électeurs) reste la cherté de la vie avec une inflation de près de 10% et les pénuries récurrentes d'aliments (lait, sucre).

Le scrutin est boycotté par la plupart des partis, dont le mouvement d'inspiration islamiste Ennahdha --ennemi juré du président Saied-- qui a dominé le Parlement dissous durant dix ans.

La puissante centrale syndicale UGTT, devenue récemment très critique de la politique de Saied, a jugé ces législatives inutiles.

«Fictive»Al Bawsala, une ONG qui scrute les activités parlementaires depuis 2014, a annoncé qu'elle boycotterait les travaux «d'une Assemblée marionnette» dont le rôle se limiterait selon elle à «soutenir les orientations du président».

S'il juge que le scrutin est surtout «un outil dont se sert le président Saied pour conférer une légitimité à son monopole du pouvoir», l'analyste Hamish Kinnear du cabinet Verisk Maplecroft estime que la mise en place d'un Parlement va «faciliter les relations de la Tunisie avec ses principaux partenaires extérieurs, en mettant fin à 17 mois d'incertitude constitutionnelle».

Il sera plus aisé, selon lui, d'obtenir l'aide des bailleurs de fonds «grâce à un retour à une plus grande prévisibilité politique, même si la légitimité démocratique des élections législatives est faible».

Il y a urgence car les caisses du pays sont vides.

Le FMI qui devait donner lundi son feu vert à un quatrième prêt à la Tunisie en dix ans (d'environ 2 milliards de dollars) a reporté sa décision à début janvier à la demande du gouvernement tunisien dont le dossier n'était pas totalement bouclé, selon des sources proches du dossier à l'AFP.

Le 17/12/2022 à 06h37