Le vendredi 24 novembre, la Guinée équatoriale a abrité un sommet restreint, celui du «Groupe des dix» de l’Union africaine (UA), chargé du dossier de la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU et de la place que doit y occuper l’Afrique.
Selon le président algérien Abdelmadjid Tebboune, dont le discours devant ce sommet a été lu par son ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf, «aujourd’hui, plus que jamais, la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies doit être traitée avec la plus grande diligence… et se pose aujourd’hui avec insistance». Accusant le Conseil de sécurité de l’ONU d’«inertie», d’«impuissance», de «paralysie quasi complète», de «sélectivité et de discrimination» face aux crises qui traverse le monde (terrorisme, guerres…), Tebboune, dont la junte qui dirige son pays a une grande part de responsabilité dans ces crises, a ainsi cru justifier pourquoi la question de la réforme du Conseil de sécurité «remonte à la surface» et devient aujourd’hui «urgente», d’après ses propos.
En réalité, et à défaut d’avoir rejeté cette année la dernière résolution 2703 du Conseil de sécurité sur le Sahara, alors qu’il a réagi avec dépit et frustration via des communiqués officiels en 2021 et 2022, le régime algérien veut carrément faire la révolution au sein de l’organe qui a adopté ces textes qui préconisent une solution réaliste, reposant sur le compromis, consubstantielle au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007, en vue de mettre fin à ce conflit factice. Or, cette énième «tebbounerie» ne fait que conforter le rôle de grand comique du président algérien, dont les sorties publiques font de l’ombre aux comédiens professionnels.
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Pourtant, lors de son élection, le 6 juin dernier, comme nouveau membre non permanent du Conseil de sécurité, l’Algérie a transformé une simple formalité en victoire grandiose. La présidence algérienne a même publié immédiatement, après ce vote, un communiqué officiel dans lequel elle salue ce «succès diplomatique qui confirme le retour de l’Algérie nouvelle sur la scène internationale», ajoutant que «cette élection, qui est à inscrire à l’actif de la politique étrangère de notre pays, traduit la considération et l’estime dont bénéficie le président de la République M. Abdelmadjid Tebboune, de la part de la communauté internationale et reflète sa reconnaissance pour sa contribution en faveur de la paix et de la sécurité internationales».
Comment expliquer ce changement brusque du président algérien à l’égard de la communauté internationale et de ses institutions mondiales? Plus l’échéance de l’entrée de l’Algérie au Conseil de sécurité approche, et sachant d’avance que ses prochains votes négatifs contre les résolutions du Conseil de sécurité concernant le Sahara seront un coup d’épée dans l’eau, et plus Tebboune essaie de faire semblant qu’il s’est démené, en fou des grandeurs qu’il est, en vue d’arracher rapidement l’un des sièges de membre permanent que revendique le continent africain au sein du Conseil de sécurité. Et cela en oubliant que même au cas où ces sièges permanents sont attribués à deux pays africains, l’Algérie n’en fera pas partie.
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Il est vrai que l’Union africaine, en vertu du «consensus de Zulwini» (Afrique du Sud) de mars 2005, qui l’a mandatée en vue d’exprimer le point de vue consensuel de ses États membres sur la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU, y postule pour deux sièges permanents avec droit de veto et autres prérogatives qui vont avec, en plus de 5 sièges de membres non permanents, au lieu des 3 actuels.
Mais le débat sur l’élargissement du Conseil de sécurité, ouvert par l’ONU en 2003, est au point mort au sein de l’UA, où il oppose deux visions aux antipodes l’une de l’autre. D’une part, il y a les tenants de la souveraineté des États qui prônent que les deux pays africains qui auront à siéger en tant que membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU seront les porte-voix de leur seul pays. Cet avis est celui de certaines puissances régionales comme l’Afrique du Sud, le Nigéria ou l’Égypte. De l’autre, les panafricanistes, majoritaires, exigent que ces deux membres permanents doivent s’exprimer et voter au nom de tout le continent, et représenter fidèlement un consensus au sein de l’UA. Un autre groupe, dit «G4» (Allemagne, Japon, Brésil et Inde) milite pour faire passer le Conseil de sécurité à 25 membres, en créant 6 nouveaux sièges permanents (dont deux pour l’Afrique) et 4 non-permanents.
Même, si en 1963, la Charte onusienne a été amendée pour permettre le premier élargissement du Conseil de sécurité, qui est passé de 11 membres (5 permanents et 6 non-permanents) à 15 membres, avec l’adjonction de 4 non-permanents, le conservatisme actuel au sein des membres inamovibles du Conseil de sécurité bloque tout nouvel élargissement, les États-Unis étant farouchement opposés à tout élargissement des membres permanents du Conseil de sécurité. C’était sans compter avec Tebboune qui exige une réforme «immédiatement». À défaut de trembler de peur, les membres permanents du Conseil de sécurité doivent pouffer de rire.