À lire la presse, à regarder les émissions politiques à la télévision, à écouter les radios, tout tourne autour de la guerre, une guerre possible, une guerre terrible entre la Russie et l’Europe. En tout cas, Vladimir Poutine se prépare et l’a dit il y a quelques jours: «Nous sommes prêts». Prêts pour affronter les 27 pays de l’Union européenne, qui ne sont pas tous unis et qui ne parlent pas le même langage. Il est prêt comme un soldat formé par l’ancien empire soviétique. Il est prêt et il faut l’écouter; il n’est pas du genre à plaisanter. Prêt à envoyer des centaines de milliers de soldats combattre en Europe.
Pendant ce temps-là, l’Amérique a dit clairement qu’elle lâchait l’Europe. Une rupture radicale et sans conteste. Même la malheureuse Ukraine a été abandonnée et ne reçoit plus l’armement américain comme du temps de l’administration Biden. Elle compte sur quelques États européens pour résister contre la guerre que lui fait la Russie.
Des négociations très étranges ont lieu à Genève. Le plan de paix américain serait favorable à la Russie. Bref, le monde va mal, le monde se prépare au pire et les citoyens ne savent pas quoi faire face à cette angoisse que les médias dans leur ensemble, de droite et de gauche, distillent quotidiennement.
Résultat: les gens mettent de l’argent de côté (en tout cas en France), une rumeur a circulé un moment, demandant aux Français d’avoir en réserve quelque argent en espèces.
Les gens qui ont peur de l’avenir dépensent de moins en moins, pendant qu’un général de l’état-major français prévient les Français qu’ils doivent être prêts à voir «mourir leurs enfants». Il aurait pu formuler la chose de manière moins dramatique: «Acceptez que vos enfants aillent se battre pour la liberté et la démocratie?»
La Finlande, menacée directement, s’arme et fait des manœuvres. Les Suisses, comme à leur habitude, revisitent leurs refuges anti-nucléaires et les restaurent. La question est souvent posée: êtes-vous prêts à faire la guerre?
Poutine qui, d’après des analystes bien renseignés, perd un millier de soldats par jour en Ukraine, persiste et signe: la guerre est sa passion. Il faut le croire et surtout le prendre au sérieux. C’est un esprit métallique. Il ne bouge pas. Il est cohérent avec lui-même et sa légende. Il ne dialogue pas, ne négocie pas non plus.
Sa force vient de sa détermination. Il voyage peu mais à chaque fois, c’est pour renforcer sa position (avec la Chine puis avec l’Inde qui lui a réservé un accueil fantastique).
Le président Macron a lui aussi fait le voyage à Pékin. Apparemment, il a eu moins de succès que Poutine. La Chine n’a pas changé sa position à l’égard de l’Ukraine. Elle soutiendrait la Russie et ne perd jamais de vue ses intérêts économiques.
Cet hiver rude est de mauvais augure. Vendredi, des drones russes ont survolé la base sous-marine de l’Ile Longue où sont parqués les navires de guerre français, dont certains portent les armes nucléaires. Les drones ont été abattus. Mais le message de Poutine est clair: je sais où vous joindre!
Le monde est entraîné dans une dérive folle. Plus de logique. Plus de droit international. Plus de respect des valeurs humanistes qui gouvernaient les relations entre les nations. Un désordre et un déséquilibre très inquiétant. L’ONU fait ce qu’elle peut pour ouvrir des routes pour la paix.
L’intelligence artificielle est à l’œuvre. Capable de canaliser et d’optimiser les découvertes scientifiques en médecine, elle est aussi capable de trouver les moyens les plus efficaces pour tuer et massacrer des peuples. Tout dépend entre quelles mains elle tombe.
«Les technologies offensives se développent beaucoup», écrit Giuliano Da Empoli dans L’heure des prédateurs (Gallimard). Ce sont des époques sanglantes où les guerres se multiplient, car attaquer coûte beaucoup moins cher que se défendre. C’est ce que fait «le Mage du Kremlin» en toute sérénité!
Les démocraties européennes, apparemment solides, se sentent menacées, attaquées, vidées de leurs valeurs. La guerre ne se fera plus comme avant suivant des lois et des règles. Ce sera une guerre où la seule loi qui vaille sera celle du plus fort, du plus brutal. Pour le moment, une guerre de la communication est là: tous les jours, des fausses nouvelles apparaissent comme si elles étaient authentiques et vraies. Démoraliser la population et aussi les médias qui sont harcelés par des nouvelles difficiles à vérifier est un début de guerre.
Les Européens, voulant oublier leurs angoisses, préparent les fêtes de Noël et achètent des cadeaux comme le veut la vieille tradition.
Souhaitons-leur de bonnes fêtes. Passée cette période, on verra si la nouvelle année se prépare à la guerre ou à la paix. Une paix armée, évidemment.






