Le torchon brûle plus que jamais entre la France et l’Algérie. Face à l’absence de volonté d’Alger de trouver une issue à une situation qu’il a lui-même créée, Paris entame des mesures de rétorsion. Le mardi 25 février, Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères, a ouvert le bal en annonçant sur la chaîne d’information BFMTV des «mesures de restriction de circulation et d’accès au territoire national pour certains dignitaires algériens». Ces décisions visent à «faire avancer ou défendre les intérêts des Français», a-t-il justifié, citant la libération de l’écrivain Boualem Sansal, incarcéré en Algérie, ainsi que «la réadmission des Algériens en situation irrégulière».
Le déclencheur de ces décisions n’est autre que l’affaire d’un ressortissant algérien de 37 ans, accusé d’avoir assassiné une personne et d’en avoir blessé sept autres à l’arme blanche, samedi 22 février dans la ville de Mulhouse. L’homme, en situation irrégulière en France, faisait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), à laquelle les autorités algériennes ont opposé une fin de non-recevoir à dix reprises. Un attitude dénoncée par le Premier ministre français François Bayrou, qui a qualifié d’«inacceptable» le refus répété, à dix reprises, par Alger de reprendre l’assaillant présumé, et a promis de montrer la «détermination» de Paris. Jean-Noël Barrot s’est déclaré prêt à prendre d’autres mesures si l’Algérie persiste, tout en précisant: «Je le ferai toujours à bon escient et sans nécessairement en faire la publicité».
L’annonce intervient à la veille de la tenue d’un conseil interministériel de contrôle de l’immigration, convoqué ce mercredi 26 février par François Bayrou, avec à l’ordre du jour la position de l’Algérie, qui refuse depuis plusieurs semaines de laisser entrer sur son sol ses ressortissants expulsés de France.
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En réaction aux mesures françaises, Alger, par le biais de son ministère des Affaires étrangères, a publié dans la précipitation un communiqué avant la réunion dudit conseil. Celui-ci exprime «la surprise» et «l’étonnement» des autorités algériennes face aux décisions de Paris «à l’encontre de ressortissants algériens titulaires de documents de voyage spéciaux les exemptant de formalités de visa». Autrement dit, les membres de la nomenklatura civile et militaire et leurs proches, qui bénéficient de passeports diplomatiques leur permettant de voyager et séjourner sans l’obligation d’un visa.
Dans son communiqué, Alger tente tantôt de minimiser la portée de ces restrictions, tantôt de menacer de représailles, encore non définies. Il y est ainsi précisé que les autorités algériennes «n’ont aucune connaissance de pareilles mesures restrictives, à l’exception de deux cas précis intervenus récemment». «Le premier cas, sur demande d’explications algérienne, a fait l’objet d’une expression de regrets de la part des autorités françaises et a été qualifié d’incident malheureux dû à une rupture dans la chaîne de commandement. Le deuxième cas, intervenu très récemment, fait actuellement l’objet d’une demande d’explications adressée aux autorités françaises», poursuit le texte.
L’un de ces cas n’est autre que celui d’Abdelaziz Khellaf, ancien directeur de cabinet et conseiller du président algérien Abdelmadjid Tebboune. Arrivé à l’aéroport Paris-Orly durant la deuxième semaine de février, il a été renvoyé en Algérie malgré son passeport diplomatique, apanage des caciques du régime. Plusieurs fois ministre et réputé proche du chef de l’État, il a dû rebrousser chemin à bord du premier vol pour Alger.
Le régime algérien tente d’afficher une posture ferme en brandissant la menace de «mesures réciproques, strictes et immédiates» et en dénonçant une «dynamique» pouvant «avoir des conséquences incalculables sur la relation algéro-française dans toutes ses dimensions». Pourtant, le texte de la diplomatie algérienne reste bien vague concernant les éventuelles représailles, laissant deviner un évident manque d’options.
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En revanche, la France a encore plusieurs leviers à activer. Le ministre des Affaires étrangères pourrait facilement mettre fin aux abus liés à l’exemption de visas pour les passeports diplomatiques algériens par un simple échange de lettres, «sans même l’autorisation du président de la République». «Il suffit d’un préavis de trois mois... Mettre fin à cet échange de lettres enverrait un signal fort», explique une source diplomatique. Ce ne serait qu’un des nombreux outils pouvant être mobilisés pour un «reset» des relations migratoires avec Alger.
Pour commencer, Jean-Noël Barrot a proposé ce mercredi que la délivrance de visas soit réduite «par tous les pays européens en même temps» pour les États refusant de reprendre leurs ressortissants expulsés. De son côté, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, plaide pour une remise en cause des accords de 1968 entre la France et l’Algérie, un avis d’ailleurs partagé par les anciens Premiers ministres Gabriel Attal et Édouard Philippe.
Ces accords confèrent un statut particulier aux ressortissants algériens en matière de circulation, de séjour et d’emploi, leur permettant, entre autres avantages, une entrée facilitée en France et un accès accéléré à un titre de séjour de 10 ans. Xavier Bertrand, candidat de droite à la présidentielle française de 2027, est allé jusque’à suggérer d’imposer «des pénalités à Air Algérie», voire de «restreindre les vols entre Alger et Paris».
L’annonce des premières mesures restrictives concernant l’accord de visas aux ressortissants algériens est attendue ce mercredi.










