La haute juridiction a bien autorisé les tribunaux fédéraux à intervenir contre la loi, mais les cliniques et les médecins qui pratiquent des avortements au Texas restent sous la menace de poursuites onéreuses s'ils interviennent au-delà de ce terme.
Avec cette décision, la solide majorité conservatrice de la Cour signale ne pas être disposée à défendre le droit à l'avortement, qu'elle pourrait même restreindre dans quelques mois dans un autre dossier émanant du Mississippi.
Notant que "les droits des femmes sont attaqués dans plusieurs Etats", le président démocrate Joe Biden s'est dit, dans un communiqué, "très inquiet" de la décision de la Cour suprême de laisser la loi du Texas en place.
"C'est cruel, injuste, inhumain", a pour sa part commenté Amy Hagstrom Miller, présidente du Center for Reproductive Rights, qui gère quatre cliniques dans cet Etat conservateur du Sud américain: "nos équipes sont désespérées, effrayées, découragées" et "nos patientes ne comprennent pas pourquoi on leur refuse les soins dont elles ont besoin".
"GRANDE VICTOIRE", a au contraire tweeté le procureur général du Texas, le républicain Ken Paxton, qui comme d'autres opposants à l'avortement s'est réjoui que la loi reste en vigueur. "C'est une victoire pour le Texas et le mouvement pro-vie", a renchéri le sénateur républicain de l'Etat Ted Cruz.
Lire aussi : Etats-Unis: la justice rétablit la loi anti-avortement du Texas
Le Texas interdit d'avorter, même en cas de viol ou d'inceste, dès que les battements de coeur de l'embryon sont perceptibles, à environ six semaines de grossesse, ce qui correspond aux Etats-Unis à quatre semaines après la conception, quand la plupart des femmes ignorent encore être enceintes.
Les tribunaux fédéraux ont invalidé dans le passé une dizaine de lois comparables parce qu'elles violent la jurisprudence de la Cour suprême: celle-ci a reconnu en 1973, dans son arrêt historiqiue "Roe V. Wade", et réaffirmé en 1992, le droit des Américaines à avorter tant que le foetus n'est pas viable, soit vers 22 à 24 semaines de grossesse.
Mais le Texas a imaginé un dispositif exceptionnel: sa loi confie "exclusivement" aux citoyens le soin de faire respecter cet interdit, en les encourageant à poursuivre au civil les personnes et organisations qui aident les femmes à l'enfreindre contre la promesse de 10.000 dollars de dédommagement.
Faute de responsable officiel à qui ordonner de ne pas appliquer la loi, ce mécanisme complique l'intervention de la justice fédérale.
Saisie en urgence au moment de l'entrée en vigueur du texte, la Cour suprême, qui compte six magistrats conservateurs sur neuf, s'était abritée derrière ces "questions nouvelles de procédure" pour rester à l'écart.
Son inaction, perçue comme le signe de l'influence des trois juges nommés par Donald Trump, avait été vivement critiquée à gauche. La bataille judiciaire s'était ensuite intensifiée, forçant la Cour à rouvrir le dossier.
Finalement, huit de ses membres ont identifié vendredi une poignée de responsables des services sanitaires de l'Etat, chargés de donner les licenses aux médecins et cliniques, pouvant être la cible d'actions en justice.
Lire aussi : Parlement: accord sur la libéralisation partielle de l’avortement
L'arrêt majoritaire porte uniquement sur des questions techniques et ne mentionne à aucun moment le droit à l'avortement.
Dans un texte distinct, le chef de la Cour John Roberts, un conservateur modéré, et les trois magistrats progressistes ont souhaité que les tribunaux bloquent rapidement la loi "contraire à la Constitution", "compte tenu de ses effets sinistres et persistants".
"La Cour aurait dû mettre un terme à cette folie il y a plusieurs mois", a ajouté la juge progressiste Sonia Sotomayor. "Elle s'est trompée à l'époque et elle se trompe encore aujourd'hui", en la laissant en vigueur.
Ces désaccords entre les neuf sages ont également été perceptibles lors de l'examen, le 1er décembre, d'une loi du Mississippi qui interdit d'avorter après 15 semaines de grossesse.
Lors de l'audience, la majorité conservatrice a semblé prête à utiliser ce dossier pour revenir sur l'arrêt "Roe v. Wade" qui, près de 50 ans après, continue de diviser fortement les Etats-Unis.
Si la Cour, qui rendra sa décision en juin, décidait de l'annuler, la moitié des 50 Etats américains devraient, à plus ou moins court terme, interdire les avortements sur leur sol.