On ne pourra pas dire à l’avenir que les JO de Paris n’auront pas marqué les esprits. Cela commence avec la cérémonie d’ouverture, qu’il aurait été aisé de confondre avec l’Eurovision, tant il y avait de femmes à barbe, de drag queens et de scène obscènes sans aucun rapport avec le sport, ni de près, ni de loin. Mais d’autres polémiques ont immédiatement pris le relais.
On n’en citera que quelques-unes, en commençant par une innovation majeure dans les sciences politiques, j’ai nommé: «Le décret écologique». Car oui, la Seine a été décrétée propre par Macron. Donc elle le sera. Même si deux jours avant, à la suite d’une pluie inattendue, les analyses avaient démontré le contraire. Si pour De Gaulle, «l’intendance suivra», eh bien, pour Macron, c’est désormais «l’écologie suivra». N’en déplaise à certains nageurs qui ont activement vomi après avoir goûté à la limpidité de l’eau de la Seine.
L’autre polémique est bien sûr celle qui entoure la ou le boxeur algérien (ou algérienne) Imane Khelif. Je ne suis certes pas généticien, mais je n’ai pas l’impression que mes yeux me jouent des tours, pas plus que ceux de millions de personnes qui ont vu la boxeuse italienne se faire tabasser. L’affaire est même devenue diplomatique puisque, hier, la question s’est invitée au Conseil de sécurité de l’ONU, où le représentant de l’Algérie a tenté maladroitement de recadrer son homologue russe en prenant la défense d’Imane Khelif et en réaffirmant qu’elle serait une femme.
Pourtant, la Russie est souvent présentée comme un allié d’Alger, idée à laquelle je n’ai personnellement jamais adhéré, car en plus de s’être de plus en plus enclavée diplomatiquement, l’Algérie n’a en réalité aucun allié. Mais ça, c’est une autre histoire. De même, rappelons que le président de la Fédération internationale de boxe (IBA) est russe aussi. Et il continue d’insister en s’appuyant sur deux tests sanguins portant sur la testostérone et le caryotype, un en 2022 et un autre en 2023, et le résultat selon l’IBA est sans appel: Imane Khelif serait un homme.
Maintenant, passons au registre des bonnes surprises, en commençant par le John Wick turc, à savoir le tireur Yusuf Dikec qui, une main dans la poche, l’autre tenant le pistolet, remporte la médaille d’argent. Devenu une star des réseaux sociaux, Dikec annonce qu’il s’est mis au tir après un divorce difficile, pour se défouler en quelque sorte. Certaines blagues ont circulé sur le Net, selon lesquelles la Turquie aurait envoyé un tueur à gages aux Jeux olympiques, tellement la désinvolture et la précision de tir du personnage ont déconcerté les spectateurs.
Espérons seulement qu’à chaque fois qu’il tire, ce n’est pas son ex-femme qu’il imagine à la place de la cible.
Enfin, le Maroc. Que dire, sinon que le bilan est catastrophique? Mis à part notre champion Soufiane El Bakkali, qui a sauvé l’honneur national avec la seule médaille d’or, et la seule médaille tout court du Maroc dans cette compétition, c’est le désert, walou, nada. Presque 40 millions de Marocains au total, pour une seule médaille: on ne peut pas dire que le rendement crève le plafond.
Et que l’on ne me sorte pas l’argument des moyens et du développement économique. Certes, le top 10 est dominé par des pays développés. Mais on trouve aisément des pays beaucoup plus pauvres que nous avec des résultats brillants.
La compétition n’est pas encore terminée, mais on peut déjà citer par exemple Cuba, avec 5 médailles, dont 2 en or et une en argent, pour une population de 10 millions d’habitants qui vit sous embargo depuis des décennies. Ou encore la Jamaïque, avec 5 médailles, dont une or et 3 en argent, pour une population de seulement 2,8 millions d’habitants. Les exemples sont nombreux, mais la vraie question est: sommes-nous une nation sportive ou une nation consommatrice de sport?
Il me semble évident que nous ne manquons ni de talents ni d’argent. Le problème est donc ailleurs et réside principalement dans l’opacité, le clientélisme, les rapports incestueux entre le sport et la politique et la corruption qui gangrènent le monde du sport au Maroc. Des milliards sont mobilisés régulièrement, mais pour quels résultats? Où sont tous ces milliards et à qui profitent-ils réellement? Où sont les terrains de proximité? Les clubs de formation? Les politiques sportives?
Ainsi, tant qu’un audit sérieux et des enquêtes financières et judiciaires ne seront pas menés à grande échelle pour nettoyer les écuries d’Augias et libérer le potentiel sportif de nos talents nationaux, le résultat sera chaque fois le même.
En attendant, continuons à consommer tranquillement du sport derrière nos écrans, mais en évitant soigneusement les slogans stériles qui, loin de nous aider à résoudre le problème, bien au contraire, nous baignent de douces illusions.