Elle s’appelle Nadiya Lazzouni, elle a 36 ans et exerce, en véritable touche-à-tout, la profession de journaliste, de productrice et aussi de juriste. Le 18 septembre, elle a découvert avec stupeur, comme le révèle le magazine Le Courrier de l'Atlas qu’une rue de la ville de Caen, en Normandie, portait désormais son nom.
Un geste hautement symboliquePour la jeune femme qui a grandi près de Rouen, autre ville de Normandie, cette plaque nominative a une forte valeur symbolique dans une France où le débat sur le port du voile dans l’espace public et sur l’immigration fait actuellement rage.
«On veut éradiquer de l’espace public les femmes musulmanes qui portent le hijab et aujourd’hui, l’espace public donne une rue à une femme qui le porte», souligne-t-elle, non sans ironie, lors de l’inauguration de cette rue nouvellement baptisée.
Et de dédier cette plaque qui porte désormais son nom à toutes les «femmes qui n’ont plus la force de supporter le coût psychologique lié aux violences réelles et symboliques qu’elles subissent», à celles «qui meurent (…) sous les coups de leurs compagnons», à celles qui «subissent le harcèlement de rue», à celles qui sont «discriminées sur le marché de l’emploi parce qu’elles portent un foulard» et enfin, conclut la jeune femme, en mémoire «de nos pères et mères (…) qui ont quitté leur pays d’origine pour reconstruire la France au prix de leur santé».
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L’espace public aux femmes!Nadiya Lazzouni n’est pas la seule à avoir bénéficié de cette attention. Elles sont en effet 50 femmes à s’être vues attribuer une plaque nominative dans le cadre d’un projet initié par l’association «Caen à ELLES» et mené par la municipalité de Caen, en partenariat avec les Journées du Patrimoine.
Ce projet inédit en France poursuit plusieurs objectifs, à commencer par celui de permettre aux femmes de se réapproprier l’espace public dans une ville qui ne compte que 3% de rues portant des noms de femmes. Il s’agit aussi, comme l’indique Pauline Vanbelle, présidente de l’association, «d’enrichir et de diversifier l’héritage culturel local».
La mise en œuvre de ce projet a nécessité huit mois de travail afin d’élaborer une liste de noms de femmes normandes qui se sont illustrées dans un domaine en particulier. Puis une fois la liste dressée, celle-ci a été présentée aux élus de la majorité de la ville qui ont à leur tour affiné la sélection, en retenant 50 noms.
A en croire la présidente de l’association «Caen à ELLES», le nom de Nadiya Lazzouni et le fait qu’elle porte le voile n’a pas suscité de débat ni posé problème, celle-ci étant reconnue pour le «travail remarquable» qu’elle accomplit au sein de la société, ainsi que «tous les combats qu’elle mène en faveur des femmes».
Les cinquante nouvelles plaques seront apposées de manière définitive sous peu, et sans pour autant remplacer celles des hommes qui y figuraient déjà.