J’ai eu le plaisir d’assister, il y a quelques jours, à l’avant-première du documentaire Résister pour la paix, coréalisé par Hanna Assouline et Sonia Terrab, pour le compte de la chaine Public Sénat. C’était à Paris et il pleuvait des cordes ce soir-là. Au point que la salle de projection a été littéralement noyée par les eaux de pluie qui s’infiltraient sous les toitures. Eh oui, ce genre de pépin arrive aussi chez les autres…
La projection s’est déroulée dans une ambiance de recueillement. L’émotion qui monte dès les premières images fait que l’envie vous prend de serrer l’inconnu qui est assis à côté de vous, de le prendre dans vos bras. C’est une messe, une communion. On réfléchit à ce qu’on voit, alors que le cœur bat très fort et que les larmes ne sont pas bien loin…
Et cette émotion vous prend à la gorge devant les images de Vivian Silver, grande militante de la paix, sauvagement assassinée ou quand un jeune Palestinien témoigne: «Ma réalité, c’est que je suis aujourd’hui devant vous. Mais je peux très bien mourir dès demain...».
Même s’il a été tourné en grande partie en pleine guerre, nous sommes pourtant face à un film sur la paix. La recherche de la paix, rendue invisible par l’horreur de la guerre. Une paix dont beaucoup ne veulent pas ou plus entendre parler, parce qu’ils sont animés et travaillés par d’autres sentiments… C’est pourtant l’essentiel: parce que la paix, c’est la vie.
Mais la paix a besoin de confiance. C’est une construction. L’une des intervenantes, une Palestinienne de Cisjordanie, rappelle cette vérité cinglante: «Nous ne faisons pas confiance aux Israéliens et les Israéliens ne nous font pas confiance, non plus».
Mais avant de se faire confiance, il faut se connaitre. C’est seulement quand on se connait qu’il devient possible de reconnaitre l’humanité de l’autre. Ali Abou Awwad, ce quinquagénaire que l’on surnomme parfois le «Gandhi» palestinien parce qu’il milite pour la non-violence alors qu’il a pris part à plusieurs Intifada dans sa jeunesse, et qu’il a perdu plusieurs être chers, assassinés par l’armée israélienne, dit quelque chose de très juste: «L’occupation ne nous permet pas de voir l’humanité du peuple juif».
L’occupation et la guerre déshumanisent complètement l’autre. Et cela marche dans les deux sens, comme un effet miroir qui légitime, en quelque sorte, le recours à la violence. Tuer l’autre et effacer son droit à la vie deviennent possibles quand cet autre est déshumanisé… Mais, comme le dit encore Abou Awwad, ce n’est qu’en s’appuyant sur sa propre humanité que l’on fera entendre la voix de la paix, mais sur l’humanité de l’autre, celui d’en face, l’ennemi. Le militant palestinien appuie son propos en expliquant qu’il lui a fallu rencontrer des parents israéliens endeuillés pour réaliser ce fameux effet miroir, cette fois dans le sens de la compassion, de la paix et de la vie.
Un tel discours a peu de chance d’être entendu aujourd’hui, au milieu du bruit des bombes, des massacres, mais aussi d’autres discours. Le documentaire rappelle que le vice-président israélien a dit, un jour, qu’il fallait «effacer Gaza». Il est pourtant le premier à savoir que ni lui, ni personne n’effacera jamais Gaza, ni la Palestine. Tout comme personne n’effacera Israël, ni ne jettera les Israéliens par la mer.
Toujours cet inévitable effet miroir…
Il est toujours délicat de parler de paix ou de tenir un discours pacifiste au milieu de la guerre. Surtout quand cette guerre est un combat inégal, opposant l’une des armées les mieux équipées du monde à une population prise au piège et livrée à elle-même. Que mes amis m’excusent pourtant: il faut parfois aller à contre-courant pour donner, malgré tout, une chance à la paix et à la vie.