Diplomates et analystes, à Moscou ou du côté de Kiev et ses soutiens, s’accordent au moins sur un point: 2024 sera encore une année de guerre. Et en l’état actuel du conflit, «il n’y a rien que les belligérants puissent négocier», résume Fyodor Loukyanov, directeur du Conseil de politique étrangère et de défense, un centre de réflexion proche du Kremlin.
Vladimir Poutine a encore martelé, le jeudi 8 février, qu’une défaite de la Russie était «impossible». Et à Kiev, le conseiller présidentiel Mykhaïlo Podoliak a réitéré la ligne officielle: «pas de négociations possibles» tant que Moscou ne retire pas ses troupes des territoires occupés en Ukraine.
Un diplomate européen confirme que «le sujet n’est pas à l’ordre du jour. D’éventuelles négociations ne peuvent intervenir que lorsque l’Ukraine sera en position de force sur le terrain». Ce qui est loin d’être le cas. Après avoir résisté à l’invasion déclenchée par Moscou le 24 février 2022, puis repoussé les forces russes et libéré des territoires lors d’une contre offensive à l’automne 2022, l’Ukraine est «dans une situation très difficile», reconnaît un diplomate ukrainien.
Sur le terrain, dans l’Est et au Sud, le front bouge très peu, mais les forces russes grignotent de petits morceaux de territoire, au prix de combats épuisant les ressources en hommes et en munitions. De ce côté-là, la balance pèse en faveur de la Russie, qui peut, selon des sources ukrainiennes, envoyer quelque 30.000 nouveaux soldats sur le front chaque mois, et dont l’économie est entrée en mode guerre en 2023.
À l’opposé, l’Ukraine s’épuise et peine à mobiliser. Après deux années d’unité nationale sans faille, les différends politico-militaires s’exacerbent à Kiev, avec le départ du très populaire chef de l’armée Valery Zaloujny.
Trump, le scénario cauchemar
«La Russie commence à penser qu’elle peut gagner», estime l’analyste polonais Marek Mendiszak, du Centre for Eastern studies à Varsovie. «Ce sentiment de victoire est nourri par la chute du soutien militaire occidental et le contexte politique» aux États-Unis, avec un éventuel retour de Donald Trump à la présidence.
À Washington, personne n’envisage de négociations à court terme. «Je pense que Poutine ne fera pas un pas significatif de paix avant de voir le résultat de notre élection», confiait début décembre un haut responsable américain sous couvert de l’anonymat.
Un retour de Donald Trump à la Maison Blanche angoisse les Ukrainiens et les Européens. L’ancien président américain, qui a assuré qu’il était capable de mettre fin au conflit «en 24 heures» s’il était réélu, pourrait aussi couper l’aide à l’Ukraine.
«Personne ne sait quelle serait la politique étrangère de Trump, à commencer par lui», souligne l’ancienne diplomate française Marie Dumoulin, de l’ECFR (European council on foreign relations), mais son imprévisibilité et sa complaisance passée vis à vis de Poutine laissent augurer du pire pour Kiev.
Soutiens défaillants
Principal soutien de Kiev, avec plus de 110 milliards de dollars débloqués depuis 2022, Washington échoue depuis des mois à voter de nouveaux fonds pour l’Ukraine, en raison notamment de la pression de Donald Trump sur ses troupes, majoritaires à la Chambre des représentants. Et l’Europe, qui a fourni quelque 28 milliards d’euros d’aide militaire, ne pourra pas combler à court terme une défaillance américaine.
Malgré ce sombre tableau pour l’Ukraine, un changement de trajectoire reste possible, estime une source militaire occidentale, pour qui «l’Ukraine tient fermement dans une guerre qui n’a pas tourné à l’avantage de Moscou». «Les Européens ont la possibilité de se mettre en ordre de bataille», veut croire Marie Dumoulin (ECFR). «On n’a pas le droit de baisser les bras. Une défaite de l’Ukraine est encore évitable».