Coup de tonnerre en France après les résultats des élections législatives anticipées, tenues le dimanche 7 juillet: l’alliance de gauche du Nouveau Front populaire (NFP) est arrivée en tête du deuxième tour, devant le camp du président Macron, sous la bannière Ensemble (centre droit), et le parti d’extrême droite du Rassemblement national (RN), pourtant donné largement favori par les sondages.
Le «front républicain», bâti entre les deux tours de ce scrutin pour endiguer la vague RN qui devait déferler dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, semble donc avoir porté ses fruits, après 210 désistements de candidats du camp présidentiel ou de gauche.
Avec 182 députés, selon les résultats définitifs, le NFP sera la première force politique à l’Assemblée nationale, en progression par rapport aux 151 élus de 2022. «Notre peuple a clairement écarté la solution du pire», a lancé le chef de file de La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, dans la soirée, alors que se réunissaient place de la République des milliers de personnes pour célébrer ce succès de la gauche.
Autre surprise majeure: la résilience du camp macroniste, qui place 163 députés. C’est certes 82 sièges de moins qu’il y a deux ans, mais le pari de la dissolution lancé par le président Emmanuel Macron au soir d’une lourde défaite aux européennes aurait pu se solder par une déroute bien plus importante.
Au RN, c’est la déception. Certes, le parti d’extrême droite engrange de nouveaux élus, avec 143 députés, contre 89 en juin 2022, soit «la percée la plus importante de toute son histoire», a revendiqué son président Jordan Bardella. Mais il voit s’évaporer le rêve d’une majorité absolue qui lui semblait atteignable au soir du premier tour. «Les arrangements électoraux dangereux passés par Emmanuel Macron et Gabriel Attal avec les formations d’extrême gauche privent ce soir les Français d’une politique de redressement», a regretté M. Bardella dimanche soir.
La tripartition jette la France dans le brouillard politique, au terme d’un scrutin qui a fortement mobilisé les électeurs avec une participation estimée à 67%, la plus forte depuis 1997. Car faute d’atteindre la barre de 289 députés, ou même de s’en approcher, aucun bloc ne semble en mesure de composer seul un gouvernement.
Coalition inédite en vue?
En attendant les intenses tractations à venir, plusieurs scénarios se dessinent, jusqu’à la constitution hypothétique d’un gouvernement technique. Les partis de gauche et le camp macroniste trouveront-ils un improbable accord politique, après deux ans à ferrailler pied à pied sur la réforme des retraites ou encore la loi immigration? D’ores et déjà, les chefs du camp macroniste Stéphane Séjourné (Renaissance) et Édouard Philippe (Horizons) ont fait savoir qu’ils étaient prêts à travailler avec les autres forces politiques… mais sans le RN ni LFI.
La question se pose aussi de la stratégie du parti de droite traditionnelle Les Républicains (LR), plongés dans la tourmente après le ralliement de leur chef Éric Ciotti au RN, mais qui conservent un contingent d’élus suffisant (39) pour se présenter comme un pivot à l’Assemblée. Laurent Wauquiez, l’un des ses cadors, a cependant écarté la participation du parti à une «coalition», rejetant «des combinaisons pour échafauder des majorités contre nature».
«Crever l’abcès»
Dans des conditions si floues, Emmanuel Macron va attendre de connaître la «structuration» de la nouvelle Assemblée à l’issue des élections législatives afin de déterminer qui il va appeler à former un gouvernement, a annoncé dimanche soir l’Élysée. Le président sort affaibli de cette séquence d’un mois, malgré le résultat honorable de son camp. Au moins aura-t-il «réussi à crever l’abcès» du RN, comme l’espère un de ses intimes?
La semaine qui se profile va aussi produire son lot d’âpres négociations pour les postes-clés à l’Assemblée, avant l’ouverture le 18 juillet de la 17ème législature de la 5ème République française, qui débutera par l’élection à la présidence, puis la constitution des groupes politiques.