«Je dissous ce soir l’Assemblée nationale», a annoncé le président Emmanuel Macron en parlant de «décision grave, lourde», après la victoire de l’extrême droite française aux élections européennes. Mais la convocation de ces législatives anticipées marque selon lui un «temps de clarification indispensable», redonnant aux Français «le choix de notre avenir parlementaire par le vote».
Les élections législatives anticipées, coup de poker présidentiel qui plonge le pays dans un profond flou politique, auront lieu dans trois semaines, avec un premier tour prévu pour le 30 juin puis le second le 7 juillet.
Jordan Bardella, président du parti d’extrême droite Rassemblement national (RN), sorti victorieux des européennes avec 31,5% à 32% des voix, avait «solennellement» demandé à Emmanuel Macron «d’organiser de nouvelles élections législatives» pour tirer les leçons de son «désaveu cinglant».
«Nous sommes prêts à exercer le pouvoir si les Français nous font confiance», a immédiatement déclaré Marine Le Pen, la cheffe de file du RN. «Nous sommes prêts à redresser le pays, prêts à défendre les intérêts des Français, prêts à mettre fin à cette immigration de masse, prêts à faire du pouvoir d’achat des Français une priorité, prêts à entamer la réindustrialisation du pays», a-t-elle détaillé.
Côté majorité présidentielle, le président du MoDem François Bayrou a salué «une prise de risque» du président pour «sortir le pays du marasme». «Il a eu une décision gaullienne, gaulliste», a estimé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.
Et le camp Macron «donnera l’investiture» aux députés sortants, y compris d’opposition, «faisant partie du champ républicain» et souhaitant «s’investir dans un projet clair» autour de la majorité présidentielle, a déclaré le ministre des Affaires étrangères et secrétaire général du parti Renaissance, Stéphane Séjourné.
.@steph_sejourne : "Je souhaite que tous ceux qui veulent partager un projet républicain puissent s'allier" avec Renaissance #le710inter pic.twitter.com/Hnm9B6woSa
— France Inter (@franceinter) June 10, 2024
«Le président a pris les devants de quelque chose qui paraissait à chacun inéluctable», veut croire un membre du gouvernement, à cause du score de près de 40% pour l’extrême droite, souligne-t-il, en additionnant RN et le parti Reconquête (5,3%).
«Il y avait un autre chemin, qui était le chemin d’une coalition, d’un pacte de gouvernement», a estimé lundi sur France 2 la présidente sortante de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, rare voix dissonante au sein de la majorité.
Estimant que la majorité porte «une part de responsabilité» dans les résultats des élections européennes en France, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a estimé lundi que ces élections anticipées seront d’une importance particulière.
«C’est l’élection législative qui aura les conséquences les plus lourdes pour la France, pour les Français, de l’histoire de la 5ème République», a-t-il déclaré sur la radio RTL. «L’enjeu, c’est ce que va devenir dans les années et les décennies qui viennent la nation française», a-t-il prévenu.
À gauche, Raphaël Glucksmann, dont la liste Partie socialiste-Place publique s’est hissée à la troisième place des européennes, avec autour de 14% des voix, a fustigé un «jeu extrêmement dangereux». «Cette dissolution exigée par Jordan Bardella restera une tache sur le quinquennat d’Emmanuel Macron», a-t-il ajouté.
Le parti socialiste Olivier Faure a appelé pour sa part à «la constitution d’un front populaire contre l’extrême droite» aux législatives anticipées du 30 juin, reprenant la proposition lancée la veille par le député de La France insoumise (LFI, opposition de gauche) François Ruffin.
«L’extrême droite n’est plus simplement aux portes du pouvoir (mais) a mis pied dans la porte» après sa large victoire aux européennes de dimanche, a-t-il estimé sur Franceinfo, jugeant qu’avec moins de 15% des suffrages «la macronie (est) en dehors de toute capacité à faire barrage» et que par conséquent «il ne reste que la gauche» où le rapport de forces «a évolué» en faveur du PS.
«Quand on est insoumis et insoumises, on ne craint pas le peuple. C’est le contraire», a affirmé le chef de LFI Jean-Luc Mélenchon, qui a toutefois déploré «la responsabilité désastreuse de tous ceux qui nous ont refusé la possibilité d’entrer dans cette bataille unis» lors des européennes, où la liste LFI a réuni entre 9,1% et 10,1% des voix.
La candidate écologiste Marie Toussaint (EELV), juste au-dessus de 5% aux européennes selon les estimations, a elle annoncé des discussions «très certainement dans les heures qui viennent» avec les autres forces de gauche. Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel a appelé les partis de gauche à travailler à un «pacte pour la France».
À droite, le président des Républicains (LR) Éric Ciotti a estimé que cette dissolution était «la seule solution», assurant que son parti, qui a totalisé un peu plus de 7% aux européennes, irait sous ses «couleurs» aux législatives, «sans aucune forme de coalition (...) avec ce pouvoir qui a tant abimé la France».
Mais pour l’ex-candidate LR à la présidentielle Valérie Pécresse, «dissoudre sans donner à personne le temps de s’organiser et sans campagne, c’est jouer à la roulette russe avec le destin du pays».
Eric Zemmour, pour Reconquête, a en revanche appelé à «la plus vaste union des droites». Sa candidate Marion Maréchal s’est dite pour cela «prête à rencontrer dans les jours qui viennent Marine Le Pen et Jordan Bardella, Éric Ciotti et Nicolas Dupont-Aignan», le président de Debout la France, autre parti de droite ultra conservateur.