Financement du terrorisme: l’Algérie épinglée par l’Union européenne

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune et Saïd Chengriha, chef d'état-major de l'armée.

L’Algérie a été placée en octobre 2024 sur la «liste grise» du Groupe d’action financière (GAFI). Cette institution internationale a identifié de graves lacunes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans ce pays. Mardi 10 juin 2025, c’est au tour de l’Union européenne de classer l’Algérie parmi les pays à haut risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

Le 11/06/2025 à 17h23

La Commission européenne, plus haute instance exécutive de l’Union européenne, a appelé ses institutions et États membres à «faire preuve d’une vigilance accrue dans les transactions impliquant» les pays figurant sur la liste à haut risque en matière de financement du terrorisme et de blanchiment des capitaux.

Il s’agit d’une mise en garde ferme visant à «protéger le système financier de l’UE», précise un communiqué officiel de la Commission européenne.

Parmi ces pays avec lesquels les «27» doivent faire preuve de grande vigilance, figure désormais l’Algérie, qui a été ajoutée à la liste grise de l’Union européenne, suivant en cela la liste établie en octobre dernier par le Groupe d’action financière (GAFI).

Déjà, cette inscription sur la liste du GAFI avait créé beaucoup de remous en Algérie, alors que le président Abdelmadjid Tebboune avait réagi avec des promesses, jamais tenues jusqu’ici, en vue de «régulariser» la situation de son pays.

En mai dernier, Tebboune a appelé à nouveau son gouvernement à se conformer aux directives du GAFI. Ainsi, selon TSA-Algérie, «le 18 mai, lors d’un Conseil des ministres, le président de la république Abdelmadjid Tebboune a ordonné au gouvernement l’application des recommandations selon ce que prévoient les lois du GAFI».

Parmi les mesures phares que Tebboune s’était engagé à prendre, figure la fermeture définitive du marché informel et parallèle des devises, le «Square», qui agit comme une banque centrale bis en Algérie. Le «Square» est si ancré dans le tissu économique et financier algérien que ses taux quotidiens de change sont annoncés officiellement par la Banque d’Algérie, l’institut d’émission local, et par les médias. Des sommes colossales transitent quotidiennement par ce marché noir, dans l’opacité la plus totale quant à leur destination finale.

La décision prise mardi par la Commission européenne est un nouveau coup dur pour le régime algérien. Surtout que l’exécutif de l’UE précise que sa nouvelle liste de pays à haut risque de financement du terrorisme et de blanchiment de capitaux, englobant l’Algérie, est le fruit d’une «évaluation approfondie» et a été dressée en fonction, non seulement des données du GAFI, mais aussi sur la base d’informations précises recueillies sur place, suite à des rencontres bilatérales et visites en Algérie.

Cette décision intervient quatre jours seulement après la publication d’un rapport des services de renseignements espagnols, confirmant ce que tout le monde savait déjà: à savoir que les milices séparatistes du Polisario, hébergées et financées par l’Algérie, sont très actives dans les rangs des groupes terroristes au Sahel, et particulièrement au sein d’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique). Cet état de fait démontre, s’il en est besoin, que l’argent, l’armement et la logistique fournis par l’Algérie au Polisario sont finalement destinés à alimenter le terrorisme dans le nord-ouest africain, au Sahel et en Afrique occidentale.

Les ONG espagnoles, pourvoyeuses d’aides humanitaires au profit des camps de Tindouf, sont ainsi appelées à être très regardantes, sinon à distribuer elles-mêmes leurs aides pour s’assurer qu’elles sont bien parvenues à leurs destinataires.

L’ajout de l’Algérie sur la liste grise de l’Union européenne intervient également dans un contexte marqué par la prise de contrôle par l’armée mauritanienne de la localité de Lebreïka, située dans l’extrême nord-est du pays, et que le Polisario avait transformée, avec l’aide de l’Algérie, en plaque tournante de tous ses trafics avec les groupes terroristes du Sahel (Armes, carburants, drogue…).

C’est dire que même si la liste grise de l’UE a vu l’ajout de dix nouveaux pays et la radiation de huit autres, l’Algérie y est entrée pour y rester durablement. Sinon, elle n’en ressortira que pour rejoindre la liste noire aux côtés de trois pays avec lesquels elle a de nombreux traits communs: l’Iran, la Corée du Nord et la Birmanie.

Par Mohammed Ould Boah
Le 11/06/2025 à 17h23