La bataille "a été dure, difficile, compliquée", a dit Mariano Rajoy, au pouvoir depuis 2011, devant des centaines de partisans en liesse. Ses supporteurs rassemblés à Madrid ont scandé, non sans ironie, le slogan du parti de gauche radicale Podemos: "si se puede, si se puede" (oui c'est possible).
Après six mois de paralysie politique de l'Espagne, son Parti populaire (PP) a remporté 137 sièges sur 350 à la chambre basse, 33% des suffrages, correspondant à un bond de quelque 500.000 voix.
Le 20 décembre, les Espagnols lui avaient fait perdre sa majorité absolue. Les socialistes avaient aussi obtenu le pire score de leur histoire et deux nouveaux partis étaient entrés au Parlement: le parti anti-austérité Podemos et Ciudadanos, libéral.
Mais ce vent de renouveau avait tourné au blocage: le PP ne pouvait plus gouverner seul et personne ne voulait s'allier à cette formation mise en cause dans de nombreuses affaires de corruption.
Les trois autres n'avaient pas non plus trouvé de terrain d'entente pour chasser la droite du pouvoir. D'où la convocation de nouvelles élections par le roi Felipe VI.
Dimanche, l'amorce d'un déblocage a semblé se dessiner.
Récupérant une partie des voix qui étaient allées à Ciudadanos, le PP a creusé l'écart, devançant de plus de 50 sièges le Parti socialiste (85 sièges) qui a encore perdu quelque 100.000 voix.
Il laisse loin derrière la coalition de gauche radicale Unidos Podemos, troisième avec 71 sièges.
Ainsi, sur les quatre grandes formations qui se partagent désormais le Parlement, seul ce parti de droite a gagné du terrain.
"Nous réclamons le droit de gouverner", a déclaré Mariano Rajoy, 61 ans, en tirant les conclusions de sa victoire.
Les conservateurs, qui n'ont pas de majorité absolue, doivent désormais négocier les termes d'une alliance qui leur permettra de rester au pouvoir.
Ils se tourneront naturellement vers le libéral Ciudadanos, dont le chef Albert Rivera a annoncé qu'il était prêt à commencer ces discussions.
Mais ils devront au moins compter aussi sur l'abstention des socialistes, car le PP et Ciudadanos n'ont pas à eux deux la majorité absolue requise. Ciudadanos ne recueille que 32 sièges, loin des 40 remportés en décembre quand il avait séduit les électeurs du PP en dénonçant la corruption.
Lundi, le quotidien de centre gauche El Pais, le plus lu du pays, a considéré que le Parti socialiste devait "écouter le mandat des électeurs, qui souhaitent qu'il reste dans l'opposition".
Il a même estimé que les socialistes devaient permettre "au parti qui dispose des votes suffisants" de gouverner.
Le journal de centre droite El Mundo, pas toujours tendre avec le chef du gouvernement sortant, a considéré que sa position était renforcée.
Tous les partis ont promis de tout faire pour éviter un "troisième tour".
Ils seront vite appelés à leurs obligations par le contexte du Brexit, qui en Espagne a provoqué vendredi une chute sans précédent de la Bourse.
Mariano Rajoy doit participer au Conseil européen sur le sujet cette semaine, et a déjà promis de définir une position commune avec les autres partis.
Le nouveau Parlement issu des législatives siègera à partir du 19 juillet.
Il reviendra ensuite au roi Felipe VI de décider, après avoir écouté tous les chefs de partis, s'il peut désigner Mariano Rajoy comme candidat à l'investiture du Congrès en tant que chef du gouvernement.
Reste à savoir pourquoi l'Espagne s'est tournée vers les conservateurs alors que tous les sondages prédisaient une forte poussée du vote pour la coalition de gauche radicale Unidos Podemos, qui aura finalement perdu plus d'un million de voix.
Le score a été obtenu après une campagne menée à droite avec des messages simplifiés à l'extrême: pour la poursuite de la croissance économique retrouvée après des années de crise (+3,2% du PIB en 2015), contre les "extrémistes" et "communistes", de Unidos Podemos.
Et après cette campagne, le Brexit aura certainement ajouté de l'incertitude à la crainte des "populistes" agitée par la droite.