”Ce n'est pas le bon moment pour les expérimentations", a déclaré le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy en évoquant les défis entraînés par le Brexit lors de son dernier discours de campagne, vendredi soir à Madrid. Il a ensuite appelé clairement les électeurs de la droite et du centre à s'unir pour faire barrage au parti de gauche radicale Podemos et à son allié Izquierda Unida (écolo-communiste). Une victoire de cette coalition serait "la pires des choses qui pourrait arriver" à l'Espagne, a-t-il ajouté.
Auparavant, les appels à la "stabilité" s'étaient multipliés dans son Parti populaire (PP, droite). Le PP a aussi diffusé une vidéo où Pablo Iglesias, le chef de Podemos, se disait favorable à une sortie de l'euro. Selon son parti, l'enregistrement date de 2013, plusieurs mois avant la création de Podemos.
"Le message pour tous les Européens a été clair aujourd'hui: l'Europe des coupes claires en matière sociale, l'Europe qui humilie les réfugiés et ne respecte pas les droits de l'Homme ne sert à rien et ne séduit pas", a riposté à sa manière Pablo Iglesias lors d'un meeting où un grand drapeau bleu étoilé de l'UE se gonflait de la brise chaude de la capitale.
"Nous avons été traités de radicaux et d'extrémistes, mais les anti-système sont ceux qui prostituent les institutions" et s'en servent à titre personnel, a-t-il tonné peu avant minuit.
Décrié pour les affaires de corruption touchant sa formation, M. Rajoy avait axé sa campagne sur la nécessité de poursuivre la politique économique menée en accord avec Bruxelles, estimant qu'elle est à l'origine de la sortie de la crise.
Podemos, nouveau parti anti-austérité entré au Parlement en décembre et qui a le vent en poupe, dénonce justement les choix de la Commission européenne.
Polarisation Les élections législatives de décembre avaient débouché sur un Parlement fragmenté entre quatre grandes formations: le Parti populaire de Mariano Rajoy, les socialistes, Podemos et le libéral Ciudadanos. Aucun parti n'ayant réussi à former un gouvernement après le scrutin, le blocage politique a obligé le roi Felipe VI à convoquer de nouvelles élections.
La campagne pour les législatives a donc pris l'allure d'un second tour, où les partis se sont affrontés entre eux, à droite et à gauche, pour capter les voix des indécis. Le PP, qui arriverait en tête avec quelque 28% des suffrages, selon les sondages, tente de récupérer les voix cédées en décembre au parti libéral Ciudadanos.
A gauche, Unidos Podemos, la nouvelle coalition formée par Podemos et Izquierda Unida, gagne du terrain au détriment du traditionnel Parti socialiste, auquel il pourrait ravir la seconde place. "Votons, au nom de ce qu'ont fait nos pères et nos mères, nos grand-pères et nos grand-mères", a plaidé vendredi soir Pedro Sanchez, le leader socialiste, semblant prier ses électeurs de ne pas enterrer les 137 ans d'histoire de son parti.
Reste à évaluer l'impact du Brexit sur les 36 millions d'électeurs appelés dimanche aux urnes. Selon les spécialistes des instituts de sondage, il pourrait entraîner davantage de participation, alors que celle-ci était donnée en baisse six mois après le dernier scrutin.
"Je pense que les Espagnols s'impliquent très peu en politique. C'est une erreur, car c'est notre vie à tous qui se joue, non ?", estimait vendredi à Madrid Ileana Vellon, une mère de famille de 51 ans, décidée à voter Podemos.
Le Brexit "peut avoir un impact", sur le scrutin estimait de son côté le politologue Pablo Simon, de l'université Carlos III. "Un événement entraînant de l'incertitude tend à favoriser le parti qui est au gouvernement".
Selon Sara Morais, de l'institut de sondages GAD3, le Brexit pourrait renforcer la polarisation et profiter aussi bien au PP qu'à Podemos. "Il peut y avoir davantage de vote en faveur de la stabilité". "Mais le Brexit, c'est aussi la démonstration du pouvoir du peuple qui passe au-dessus de l'establishment", a-t-elle expliqué.