De crainte d’une condamnation, l’Algérie refuse d’accompagner le Mali devant la Cour internationale de justice

Ahmed Attaf, ministre algérien des Affaires étrangères.

Le ministère algérien des Affaires étrangères a publié, vendredi, un communiqué relatif à la saisine de la Cour internationale de justice par le gouvernement malien. Dans la requête malienne, l’Algérie est accusée d’agression, de violation des frontières de son voisin et de soutien au terrorisme. En réponse à une notification de la CIJ, le régime algérien a jugé cette requête «trop grossière» et a choisi de rejeter la compétence de la juridiction onusienne en vue de bloquer sa procédure. Cette peur de la justice internationale constitue en soi une reconnaissance par l’Algérie des graves accusations du Mali à son encontre.

Le 21/09/2025 à 09h36

Le 13 septembre courant, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a organisé une conférence de presse à Alger. Parmi les points abordés figure l’affaire de la saisine par le Mali de la Cour internationale de justice (CIJ), à travers l’introduction d’une requête contre l’Algérie datée du 4 septembre 2025. Le régime algérien, comme l’a qualifié Bamako dans sa plainte, est accusé d’«agression flagrante» suite à l’affaire du drone militaire malien abattu dans la nuit du 31 mars au 1er avril derniers, en «plein territoire malien». Selon Bamako, le pouvoir algérien a clairement confirmé par cet acte belliqueux, toujours selon les autorités maliennes, qu’il protège certains groupes terroristes pourchassés par le Mali en particulier et les pays du Sahel en général.

Attaf a lâché ce jour du 13 septembre, devant une poignée de journalistes algériens, l’un de ces gros mensonges qui sont la marque de fabrique du régime d’Alger. Il a déclaré que le Mali n’a jamais déposé la moindre requête contre l’Algérie devant la juridiction onusienne. Pourtant, dans un communiqué publié par son département, le vendredi 19 septembre, le MAE algérien a reconnu que le Mali a bel et bien déposé une requête, le 4 septembre, auprès de la CIJ. Mais cette dernière n’a annoncé sa saisine par le Mali que le 16 septembre. Ce qui ne change rien, puisque les éléments factuels objets de la plainte malienne du 4 septembre restent les mêmes.

«Le gouvernement malien a annoncé avoir déposé, le 4 septembre 2025, une requête introductive d’instance contre l’Algérie auprès de la Cour internationale de justice. À l’occasion de la conférence de presse qu’il a animée le 13 septembre courant, le ministre d’État, ministre des Affaires étrangères a démenti cette allégation», écrit le communiqué algérien en guise d’introduction. Une façon de dire une chose et son contraire.

En réalité, c’est pour des raisons procédurales que la CIJ n’a confirmé la plainte malienne que 12 jours après son annonce par les autorités de Bamako. La cour doit d’abord s’assurer qu’elle est compétente pour examiner la requête du demandeur. Elle doit aussi exiger de ce dernier les documents et preuves qui lui semblent pertinents et qui corroborent les faits consignés dans sa plainte.

Ce n’est qu’après l’accomplissement de ces formalités que la CIJ s’adresse au pays visé par la plainte, dit défendeur (l’Algérie), pour lui demander s’il accepte ou non la compétence de la Cour dans le dossier dont elle est saisie. En effet, le règlement de la CIJ précise, dans son article 38, que si la saisine provient unilatéralement d’un État demandeur, elle ne peut statuer qu’à la condition sine qua non de l’acceptation par l’État défendeur de la compétence de la cour. Si cet État refuse la compétence de la CIJ, la requête du plaignant est automatiquement rejetée.

C’est justement dans cette brèche ouverte par le règlement de la CIJ que l’Algérie s’est engouffrée, en guise d’échappatoire afin de ne pas avoir à répondre de son forfait vis-à-vis d’un État souverain et voisin. Ainsi, le communiqué du MAE annonce que l’Algérie «notifiera en temps opportun à la Cour internationale de justice son refus de cette procédure manœuvrière». Reste à savoir à quoi rime ce «temps opportun» où l’Algérie refusera la compétence de la CIJ.

Entre le démenti des autorités maliennes, en ouverture du communiqué algérien, et le rejet, en guise de conclusion, d’une procédure dite «forum prorogatum», où deux États acceptent que la CIJ statue sur leur différend, le régime algérien, s’est livré, en plein cœur de son communiqué, à une attaque d’une rare bassesse contre le Mali. Le langage utilisé par le MAE algérien est aux antipodes de la bienséance diplomatique.

Désigné sous le nom de «junte», le gouvernement malien est taxé de «paradoxal» et, écrit le communiqué du MAE, «ce paradoxe réside dans le fait de voir la junte malienne qui a foulé au pied la légalité et l’ordre constitutionnel dans son pays se soucier du droit qu’elle méprise au plan interne et auquel elle prétend faussement s’attacher au plan international».

C’est en somme le monde à l’envers. La plus ancienne junte du monde, qui dirige le pays de tous les paradoxes depuis plus de six décennies, sort toutes ses casseroles pour en accuser le Mali.

Éludant totalement le contenu concret de la plainte malienne auprès de la CIJ, le MAE algérien s’enfonce dans l’immonde en ajoutant que «cette même junte a mené le Mali au désastre politique, économique et sécuritaire et qu’elle est elle-même instigatrice d’une banqueroute morale».

Le gouvernement malien est enfin accusé de jouer à «l’instrumentalisation» en vue de faire de l’Algérie un «bouc émissaire», dans le seul but de cacher la «tragédie infligée au peuple malien frère».

Suite à cette dérobade matérialisée par son refus d’aller devant la justice internationale, l’Algérie, qui dit avoir une «trop haute idée du droit international, tout comme elle voue un profond respect pour la Cour internationale de justice», a été sévèrement prise à partie par le Mali. Ce dernier accuse son voisin du nord de fuir ses responsabilités en refusant de l’accompagner devant la CIJ. Il est vrai que l’Algérie a tout à craindre de la saisine malienne de la CIJ. Cette dernière aurait certainement reconnu la culpabilité d’Alger et lui aurait imposé des réparations.

Par Mohammed Ould Boah
Le 21/09/2025 à 09h36