Crise politique en France: le nouveau Premier ministre promet des «ruptures» pour un changement radical

Sébastien Lecornu. AFP or licensors

Le nouveau Premier ministre français, Sébastien Lecornu, a promis mercredi des «ruptures» avant de s’atteler à la lourde tâche de constituer un gouvernement pour sortir le pays de l’impasse politique, lors d’une journée de mobilisation contre l’austérité budgétaire et les inégalités qui n’a toutefois pas paralysé la France.

Le 11/09/2025 à 07h30

La cérémonie de passation de pouvoir avec son prédécesseur François Bayrou, renversé lundi par les députés, s’est déroulée alors qu’un appel à «bloquer» le pays, lancé cet été sur les réseaux sociaux, donnait lieu à des centaines de blocages ou tentatives, avec près de 200.000 manifestants recensés dans toute la France selon le ministère de l’Intérieur.

Dans un très bref discours, M. Lecornu s’est engagé à «des ruptures», dans «la méthode» mais aussi sur «le fond», assurant qu’il n’existait «pas de chemin impossible» pour sortir de la crise politique. «On va y arriver», a-t-il lancé, avant de recevoir les responsables de plusieurs partis politiques afin de trouver un compromis permettant la formation d’un gouvernement et l’adoption d’un budget.

Proche du président Emmanuel Macron et membre de tous les gouvernements depuis 2017, Sébastien Lecornu a été nommé mardi soir en remplacement du centriste François Bayrou, qui avait engagé la responsabilité de son gouvernement sur un projet de budget d’austérité prévoyant 44 milliards d’euros d’économies pour tenter d’endiguer la hausse de la dette publique (114% du PIB).

Impasse politique

Cinquième Premier ministre d’Emmanuel Macron depuis sa réélection en 2022 et troisième en un an, Lecornu doit désormais bâtir un gouvernement susceptible de durer plus longtemps que ses prédécesseurs (91 jours pour Michel Barnier, moins de neuf mois pour François Bayrou), puis faire voter un budget avant la fin de l’année.

La France est plongée dans une impasse politique depuis la dissolution en juin 2024 de l’Assemblée nationale, fracturée en trois grands blocs sans majorité (alliance de gauche, centre-droit, extrême droite).

Selon un sondage Odoxa-Backbone pour Le Figaro, sept Français sur dix (69%) estiment que la nomination de Sébastien Lecornu, 39 ans et quasi inconnu du grand public, «ne correspond pas à leurs attentes», et 56% ont une mauvaise opinion de lui.

Son arrivée à Matignon a également été critiquée par les oppositions: La France insoumise (LFI) a annoncé qu’elle déposerait une motion de censure spontanée lors de la présentation de son gouvernement devant les députés. Le Rassemblement national (extrême droite), qui ne souhaite pas le censurer immédiatement, a prévenu par la voix de son président Jordan Bardella qu’il attendait une «rupture» avec la politique menée jusqu’ici.

«Bloquons tout»

Mercredi, la France a été le théâtre de centaines d’actions dans le cadre d’une journée baptisée «Bloquons tout», initiée sur les réseaux sociaux durant l’été avec des revendications multiples, dont l’abandon du projet de budget de François Bayrou, sans toutefois provoquer de paralysie nationale.

«Les bloqueurs n’ont pas bloqué la France», s’est félicité le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau en début de soirée, à l’issue d’une réunion de crise présidée par M. Lecornu.

Le leader de LFI, Jean-Luc Mélenchon, a au contraire salué un «succès» pour cette «manifestation auto-organisée».

À 23 h (21 h GMT), les autorités recensaient 197.000 participants répartis dans «596 rassemblements» et «253 blocages».

«Répartition des richesses»

Des cortèges fournis ont défilé à Toulouse (sud-ouest), Marseille (sud-est), Lyon (centre-est) ou Rennes (ouest). Plusieurs confrontations avec les forces de l’ordre et des dizaines d’incendies plus ou moins importants ont marqué la journée.

Le ministère de l’Intérieur a fait état de 540 interpellations (dont 211 à Paris) et de 415 gardes à vue (110 à Paris). Dans le centre de la capitale, un incendie a endommagé la façade d’un immeuble, peut-être provoqué involontairement par une intervention policière, selon le parquet.

«On veut des services publics qui fonctionnent, plus d’impôts sur les riches, moins d’impôts sur les pauvres, une plus juste répartition des richesses», a clamé à Paris Jean-Baptiste, 30 ans, salarié du secteur social.

Les militants se sont souvent heurtés à un dispositif policier massif — environ 80.000 forces de l’ordre déployées dans tout le pays, dont 6.000 à Paris. Plusieurs axes routiers ont été affectés par les manifestations, surtout dans l’Ouest, tandis que des lignes ferroviaires ont été visées par des «actes de malveillance», selon la SNCF. La station centrale des transports parisiens a même été fermée par mesure de sécurité.

Interrogés par l’AFP, les réseaux bancaires n’ont pas constaté de baisse significative des transactions par carte bancaire, pourtant ciblées par certains initiateurs du mouvement.

Une nouvelle journée de mobilisation, cette fois à l’appel des syndicats, est prévue le 18 septembre.

Par Le360 (avec AFP)
Le 11/09/2025 à 07h30