Comment le clan présidentiel joue avec le feu en méprisant le peuple algérien

Abdelaziz Bouteflika.

Abdelaziz Bouteflika. . DR

Dans sa lettre aux Algériens, dont lecture a été donnée par son directeur de campagne, et néanmoins gendre du ministre de la Défense, Abdelghani Zaalane, le président sortant Bouteflika ne cède rien sur la principale revendication de son peuple: son départ. Décryptage.

Le 04/03/2019 à 11h02

La ficelle est trop grosse pour passer inaperçue. Dans sa lettre-testament, divulguée quelques instants après le dépôt du dossier de sa cinquième candidature à la présidence de la république algérienne démocratique et populaire, le président sortant a promis, «s’il est réélu»!, d’organiser une élection présidentielle anticipée, à laquelle il ne participera pas.

Le président, ou plutôt le clan présidentiel, oublie à l’insu de son gré un détail majeur: la date de ce prétendu scrutin présidentiel anticipé! Rien dans la promesse de celui qui veut «mourir président» ne garantit donc que cette présidentielle anticipée se tiendra avant l’expiration de cette cinquième mandature orchestrée au profit du président invalide, incapable de remuer ses lèvres pour prononcer une seule parole, a fortiori retrouver l’usage de ses bras ou de ses jambes, après un accident vasculaire cérébral (AVC) qui lui a fait perdre toute motricité.

Une énième manœuvre qui suinte l'arrogance et dénote un mépris total de l’intelligence du peuple algérien frère, en bouillonnement depuis l’annonce, un certain triste 10 février 2019, de la candidature du président-fantôme à un cinquième mandat que rien, vraiment rien, ne justifierait, à part cette volonté vorace de se fossiliser dans le pouvoir, de continuer de pressurer les citoyens et les richesses d’un pays, détournées dans les comptes que détiennent dans les paradis fiscaux les caciques d’un régime opaque, mafieux, cupide, corrompu et… Cruellement répressif.

1000 milliards de dollars ont été dilapidés durant les 20 ans du règne de Bouteflika. Tous les hommes d’affaires savent que sur chaque marché octroyé en Algérie, 10% se retrouvent soit dans les poches du clan présidentiel, soit dans celles des généraux. Donc quelques 100 milliards de dollars ont enrichi les oligarques algériens, qui ont tout intérêt à maintenir au pouvoir une momie, parce qu’un changement peut signifier la reddition des comptes. Ceux-là sont prêts à tout pour se maintenir au pouvoir, y compris au recours aux armes, comme en témoigne l’échange qui fait froid dans le dos entre Abdelmalek Sellal, ancien directeur de campagne de Bouteflika, et Ali Haddad, patron du patronat algérien.

De qui se moque alors le clan présidentiel? Pourquoi insulter de la sorte l’intelligence du peuple? Pourrait-il continuer à mépriser son peuple sans risquer de provoquer, à Dieu ne plaise, un embrasement dont les effets seront dévastateurs non seulement pour l’Algérie mais pour la région entière?

Hier soir, les Algériens ont répondu à la lettre-testament du président-fantôme par d’importantes marches nocturnes à travers tout le pays. On n’insulte pas l’intelligence d’un peuple impunément. Le clan présidentiel ment comme il respire. Cela fait vingt ans que ce président octogénaire, âgé de 82 ans, fait des promesses de réforme. Il s’est avéré au fil de ces deux décennies que la mentalité des apparatchiks n’est pas réformable tellement elle est restée pétrifiée, au détriment de millions de jeunes, quant à eux en rade, ceux que l’on appelle tristement «génération Bouteflika»!

Ce sont justement ces jeunes qui ont pris les devants des marches millionièmes organisées, enclenchées le 1er mars dernier et qui se poursuivent partout en Algérie, pour revendiquer non seulement le départ définitif du président grabataire, mais aussi celle de tout ce régime qui devra désormais partir.

Le prix sera évidemment douloureux à payer, face à un régime arrogant et assassin. La rue algérienne en est consciente. La délivrance de ce régime dictatorial ne passera malheureusement pas par une révolution de velours. Il est à craindre une radicalisation des manifestations qui vont probablement aller crescendo, chaque vendredi, jusqu’au 18 avril, date des élections présidentielles en Algérie. D’ici là, le pire est à craindre de la part d’un régime déterminé à faire la sourde oreille aux cris de la rue. Deux pays risquent d’être impactés plus que d’autres par l’obstination hasardeuse du maintien au pouvoir de Bouteflika. La France, en raison du poids de l’Histoire et de la forte communauté algérienne qui y vit, et le Maroc, en raison de sa proximité géographique. Ce qui se déroule en Algérie nous concerne en effet à plus d’un titre. 

Par M'Hamed Hamrouch
Le 04/03/2019 à 11h02