Grand coup de théâtre, à la veille de la fin du délai du dépôt du dossier de la candidature de Bouteflika à un cinquième mandat. Abdelmalek Sellal n’est plus directeur de campagne de Bouteflika, il est remplacé à ce poste par le ministre des Transports, Abdelmalek Zaâlane, annonce ce samedi 2 mars l’agence de presse officielle (APS), sans expliquer les raisons de ce limogeage.
Des confrères algériens pointent toutefois un enregistrement très compromettant d’une récente conversation entre l’ex-premier ministre, Abdelmalek Sellal, et le patron du Forum des chefs d’entreprises (FCE), Ali Haddad, protégé du frère du président sortant, Saïd Bouteflika, gardien du temple présidentiel «Mouradia». Les médias algériens citent cet enregistrement, mais sans le reproduire tellement les propos qui y sont tenus sont d’une gravité extrême et dénotent un mépris total pour le peuple. Nous le livrons à l’appréciation de nos lecteurs.
Dans cet enregistrement très probablement (vous verrez loin!) fuité par les services de renseignement algérien, précisément par les fidèles du général «Tewfik» l’ex-patron du défunt Département du renseignement et de la sécurité (DRS, dissous par Bouteflika en 2016), l’ex-premier ministre Sellal et l’inamovible patron des patrons algériens évoquent, entre autres, l’éventualité du recours aux armes pour mater les manifestations millionièmes que connaît l’Algérie, en protestation contre la cinquième candidature du président grabataire Abdelaziz Bouteflika, voire tous les symboles octogénaires du régime algérien fossilisé et en rupture de ban.
Les propos de l’ancien Premier ministre disent tout de la détermination du camp Bouteflika à se cramponner au pouvoir, quel qu’en soit le coût. Sellal parle tour à tour dans sa conversation d’agents armés, de gendarmes et de recours à des Kalachnikovs pour réprimer les personnes qui s’opposeraient à un cinquième mandat.
Dans ce même enregistrement, mais cette fois côté «carottes!», Sellal et Haddad évoquent la distribution de plats de couscous dans les mosquées. Constatant l’inaction, voire la vacance de tous les départements ministériels, excepté celui de Noureddine Bedoui, ministre de l’Intérieur, les deux interlocuteurs s’interrogent particulièrement sur «l’utilité» du département des Affaires religieuses qui aurait mieux fait de distribuer des plats de semoule dans les mosquées! Ils pointent du doigt la majorité des ministres, absents de leurs bureaux un vendredi.
Il est frappant de constater que, dans l’enregistrement, l’ex-patron de l’Exécutif, Abdelmalek Sellal, donne la piètre image d’un vulgaire subordonné devant Ali Haddad, le nouveau parvenu du règne vingtenaire des Bouteflika, et dont les pouvoirs débordent les milieux d’affaires pour couvrir aussi les sphères politiques.
Dans cet enregistrement, il est également question du FLN, de son inaptitude à redresser la barre, de la «communication catastrophique» et des zaouïas qu’il faut mobiliser.
Une question se pose: comment cet enregistrement très compromettant pour le clan Bouteflika a atterri sur les réseaux sociaux ? Il va sans dire que la fuite de cet enregistrement «shocking» ne peut être l’œuvre que de professionnels, bien équipés et rompus à la mise sur écoute de hauts responsables, et particulièrement des services du renseignement restés fidèles à leur ex-patron, le général Mohamed Lamine Mediene, alias «Tewfik», limogé en 2015 par le président Bouteflika, en raison de son opposition en 2014 à la candidature d’Abdelaziz à un quatrième mandat présidentiel!
Ce procédé savamment planifié révèle au grand jour la guerre secrète que se livrent le clan présidentiel, mené par Saïd Bouteflika, et l’armée qui n’est pas entièrement dévouée au président malade en dépit des purges impressionnantes qu’il a opérées. Cette guerre n’augure rien de bon pour la suite des événements. Et il est à craindre des temps bien incertains et durablement obscurs chez le voisin de l’est.
Le nouveau directeur de campagne de Bouteflika, Abdelghani Zaalane, n’est autre que le gendre d’Ahmed Gaïd Salah, chef de l’Etat-Major de l’armée algérienne. Cette manœuvre est-elle suffisante pour neutraliser l’armée ? Rien n’est moins certain.