La hausse des prix en zone euro est retombée à 6,1% en mai, loin désormais du record à 10,6% atteint en octobre.
Mais pour interrompre le cycle de hausse des taux, le plus radical de son histoire, entamé il y a onze mois, la BCE attend «des signes probants» montrant que l’inflation «revient au plus tôt et durablement» à l’objectif de 2%, a déclaré Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, dans une interview publiée le 7 juin par le quotidien belge l’Echo.
«Nous n’en sommes pas encore là», a-t-elle ajouté.
La Fed américaine se réunit mercredi et il est attendu qu’elle marque une pause dans son resserrement monétaire.
La BCE, partie plus tard au combat, ne va pas lui emboiter le pas le lendemain, alors que sa présidente Christine Lagarde souligne à l’envi qu’il y a encore «du chemin à parcourir» dans le cycle de relèvement.
Hauts pour longtemps
L’institution gardienne de l’euro a relevé ses taux directeurs de 3,75 points de pourcentage depuis juillet de l’année dernière, pour contrer la flambée des prix à la consommation.
Elle devrait faire un pas supplémentaire de 0,25 point de pourcentage jeudi, comme en mai, ce qui porterait le taux de dépôt, qui fait référence, à 3,5%.
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Le renchérissement du crédit en cours fait suite à une décennie d’argent bon marché et répond à l’envolée des prix dans le sillage de l’offensive russe en Ukraine.
Si la décision de juin semble acquise, la BCE «fera également allusion à une hausse probable» de taux d’une ampleur égale lors de la réunion de juillet, selon Andrew Kenningham, chez Capital Economics.
L’institution devrait aussi donner des indices sur le prochain débat qui s’annonce: «la durée durant laquelle nous maintiendrons les taux est maintenant plus importante que le taux terminal précis que nous atteindrons», a souligné récemment le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy, membre du conseil des gouverneurs.
A cet égard, la BCE «soulignera que la politique monétaire restera restrictive pendant une période prolongée», prédit Andrew Kenningham.
Pas de pic d’inflation
La BCE disposera jeudi de nouvelles projections économiques sur trois ans pour se décider.
En mars, l’institution prévoyait une inflation à 5,3% cette année et retombant à 2,1% en 2025. Les économistes n’attendent pas de changement majeur dans les prévisions.
L’inflation dite sous-jacente (qui exclut l’énergie et l’alimentaire), autre critère regardé de près, a poursuivi sa baisse en mai, à 5,3%.
Or «rien ne prouve clairement que l’inflation sous-jacente ait atteint un pic», a mis en garde Mme Lagarde.
Dans les services, où les prix montent davantage que dans l’industrie, un regain de hausse est supposé se produire cet été, lié au tourisme, selon Deutsche Bank.
Les coûts de main-d’œuvre et les bénéfices ont quant à eux largement contribué en début d’année à l’inflation.
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Alors que le taux de chômage en zone euro est à son plus bas, à 6,5% en avril, les salariés usent de leur pouvoir de négociation pour récupérer une partie du pouvoir d’achat perdu en raison de la forte inflation.
De quoi alimenter les craintes d’une spirale salaires-prix qui ancrerait l’inflation dans la durée.
Quant au PIB (Produit intérieur brut), il a reculé en zone euro de 0,1% entre janvier et mars, comme lors du trimestre précédent, signifiant l’entrée en récession de la région, en grande partie à cause du tassement observé en Allemagne.
Entre croissance à l’arrêt et inflation en recul, ces données devraient «affaiblir les arguments en faveur de plusieurs autres hausses de taux», estime Carsten Brzeski, chez ING.
«Cela dit, la BCE est susceptible de l’ignorer» car le risque est davantage d’en faire trop peu que de trop muscler la réponse à l’inflation, pense l’expert.
En continuant à se durcir, la politique monétaire devrait produire son «effet maximal sur l’inflation en 2024», selon Mme Schnabel, l’incertitude demeurant sur l’ampleur et la rapidité du processus.