Au Salon du Bourget, l’industrie de défense turque affiche ses ambitions

A T Aksungur, un drone développé par Turkish Aerospace industries (TAI), est présenté lors du Salon international de l'aéronautique et de l'espace à Paris - Le Bourget, le 20 juin 2023. (Photo par Geoffroy Van der Hasselt / AFP). AFP or licensors

Les fabricants turcs de matériel de défense sont massivement présents à l’édition 2023 du Salon international aéronautique et de l’espace à l’aéroport de Paris-Le Bourget. Avec une industrie de l’armement en pleine expansion, la Turquie ambitionne de se positionner, dès la prochaine décennie, dans le Top 10 des exportateurs.

Le 21/06/2023 à 08h09

Les fabricants turcs de matériel de défense sont massivement présents à l’édition 2023 du salon international aéronautique et de l’espace à l’aéroport de Paris-Le Bourget, le premier en quatre ans, les conflits récents, notamment l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ayant mis en lumière les armes désormais convoitées du pays.

L’entreprise publique Turkish Aerospace Industries (TAI) est la plus visible: son vaste stand, devant lequel sont exposés sur le tarmac des drones, des hélicoptères et un avion d’entraînement, se trouve à quelques pas de poids lourds comme Airbus et Boeing.

En tant qu’exportateur d’armes, la Turquie «bénéficie d’une image de “troisième voie”: politiquement moins restrictive que les systèmes occidentaux, mais plus neutre que l’achat de produits russes, chinois ou iraniens, tout en garantissant une qualité satisfaisante», a relevé Leo Peria-Peigne, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), dans un récent article.

Les drones armés figurent parmi les produits les plus recherchés du pays, notamment le TB-2 Bayraktar produit par l’entreprise privée Bayka, et médiatisé pour son rôle dans les premières phases de la défense de l’Ukraine contre l’invasion russe.

À l’instar de Baykar, les drones armés de TAI ont été vendus ces dernières années dans le monde entier, notamment au Kazakhstan, au Kirghizstan, à la Malaisie, à l’Algérie et à la Tunisie, selon les données de l’organisme de surveillance du commerce des armes SIPRI.

L’entreprise s’efforce de montrer des utilisations moins belliqueuses de ses drones, en soulignant leur utilisation pour rétablir la couverture de téléphonie mobile dans certaines zones après le violent séisme en Turquie et en Syrie en février. Leurs radars ont également été utilisés pour repérer les mines russes et ukrainiennes qui menacent la navigation commerciale en mer Noire depuis le déclenchement de la guerre.

Subventions agressives

M. Yildiz, de TAI, montre un modèle réduit de la dernière version du drone Anka, un appareil à aile delta qui ressemble davantage à un bombardier furtif américain qu’à son encombrant prédécesseur à hélice. Avec sa propulsion à réaction, sa charge utile plus importante et d’autres capacités améliorées, le drone «vise à prendre en charge les missions air-sol de l’avion de chasse américain F-16», dit-il.

Le remplacement de la technologie occidentale par des armes fabriquées localement renvoie aux origines de l’industrie nationale de défense turque, qu’Ankara a encouragée depuis l’embargo sur les armes décrété par les Etats-Unis dans les années 1970 à la suite de l’invasion de la partie septentrionale de Chypre.

«Nous avons maintenant la capacité de fournir des missiles de précision, des missiles de croisière et des missiles à longue portée.»

—  Mustafa Odabas, directeur du marketing de l’entreprise publique Roketsan.

La montée en puissance du secteur est assurée «par une politique de subventions industrielles très agressive, exigeant un fort retour sur investissement sous forme de transfert de technologie, de développement de la production locale ou de partenariats avec de grands groupes industriels occidentaux», observe M. Peria-Peigne de l’IFRI.

100.000 emplois, 10 milliards de dollars de revenus

Sur un autre stand du Bourget, Rusen Komurcu, secrétaire général de l’Association des fabricants turcs de l’industrie de la défense et de l’aérospatiale (SASAD), souligne les statistiques du secteur: 100.000 emplois et 10 milliards de dollars de revenus, dont 4,4 milliards de dollars d’exportations. En Turquie «on trouve du bon matériel à un bon prix», résume-t-il.

Dans une pièce confortable située derrière le stand hérissé de maquettes d’explosifs guidés de l’entreprise publique Roketsan, productrice de missiles et des fusées, Mustafa Odabas, le directeur du marketing, abonde dans ce sens. «Alors que nous développons de nouveaux systèmes pour répondre aux besoins des forces armées turques, nos ventes augmentent», explique-t-il à l’AFP.

«Nous avons maintenant la capacité» de fournir «des missiles de précision, des missiles de croisière, des missiles à longue portée» qui ont attiré des clients à travers le Moyen-Orient et en particulier dans la région du Golfe, met en avant M. Odabas. Les ventes de drones Baykar et TAI ont permis à Roketsan de gagner des clients en Afrique et même en Europe.

Objectif: 50% de ventes à l’export

Dans le réseau mondial complexe de l’industrie de défense, Roketsan est le seul fabricant de certaines pièces utilisées dans les missiles antiaériens Patriot de Raytheon, tout comme TAI fabrique des composants pour les avions de l’Otan tels que le transporteur A400M d’Airbus. À l’avenir, «50% de nos ventes devraient provenir des exportations. Je pense que cela pourrait même être davantage», estime M. Odabas.

Le chef de la SASAD, M. Komurcu, s’attend à ce que, dans les prochaines années, «de plus en plus d’armes turques soient destinées à l’exportation, et peut-être que 10 milliards de dollars ne sont pas loin de notre horizon». La Turquie se rapprocherait donc d’un des principaux pays exportateurs, la France, qui a vendu pour 11,7 milliards d’euros d’armes à l’étranger en 2021, selon les chiffres du gouvernement.

Par Le360 (avec AFP)
Le 21/06/2023 à 08h09