L’extrême droite allemande se pose comme incontournable après des résultats record dans deux élections régionales dans l’est du pays, fragilisant davantage la coalition de centre gauche d’Olaf Scholz, un an avant les législatives.
«Il n’y aura plus de politique sans l’AfD», a prévenu Tino Chrupalla, le co-président de ce parti anti-migrants, aux positions pro-russes, qui a remporté une victoire inédite dimanche. L’Alternative pour l’Allemagne (AfD) devient la première force politique en Thuringe et talonne les conservateurs en Saxe, deux Länder de l’ex-RDA.
Le parti d’extrême droite revendique de diriger la région où il est arrivé en tête avec 32,8% des voix, mené par Björn Höcke, l’une des figures les plus radicales de la formation. Tous les autres partis ont déjà refusé de s’allier avec lui mais «ce pare-feu antidémocratique ne pourra être maintenu à long terme», a assuré lundi Alice Weidel, coprésidente du parti. «L’électeur a clairement tranché et il souhaite que l’AfD participe au gouvernement», a-t-elle dit sur la chaîne ARD.
En Thuringe, qui avait été la première à porter au pouvoir des nazis en 1932, l’AfD disposerait d’une minorité de blocage, lui permettant notamment d’empêcher la nomination de juges. Le quotidien Tagesspiegel parle d’un «séisme politique à l’est», la Süddeutsche Zeitung d’un «résultat alarmant pour les démocrates».
BSW, l’invité-surprise
Outre l’AfD, le camp des opposants aux livraisons d’armes à l’Ukraine est renforcé par le succès du nouveau parti populiste BSW, également très virulent contre l’immigration. Fondé avant les élections autour d’une personnalité de la gauche radicale, Sahra Wagenknecht, il obtient 11,8% en Saxe et 15,8% en Thuringe.
La percée spectaculaire de ce parti, qui tente de combiner politiques économiques de gauche et conservatisme sur les questions de société, ajoute à la fragmentation du paysage politique. Il se pose en faiseur de rois dans la formation des gouvernements locaux, avec des exigences bien au-delà de la politique régionale: ses responsables ont réaffirmé lundi que toute alliance sera conditionnée au refus du déploiement de missiles américains de moyenne portée en Allemagne et au soutien à des négociations entre l’Ukraine et la Russie.
«Claque» pour Scholz
En Saxe, l’AfD progresse de 3 points (30,6%), juste derrière les conservateurs de la CDU (31,9%), qui excluent là aussi toute alliance avec l’extrême droite, mais auront du mal à trouver une majorité au parlement régional de Dresde.
Les scores de l’extrême droite dans ces régions où elle s’est enracinée ces dix dernières années constituent un nouveau revers pour les trois partis de la coalition au pouvoir, sociaux-démocrates, verts et libéraux, avant les législatives de septembre 2025.
Aux élections européennes de juin, ils avaient été sévèrement battus par l’opposition conservatrice et l’extrême droite. Le SPD d’Olaf Scholz enregistre en Thuringe son pire résultat dans un scrutin régional, avec un score de 6,1%. Il fait également moins bien qu’il y a cinq ans en Saxe, avec 7,3%. De quoi craindre le pire pour l’élection régionale qui se tiendra le 22 septembre dans le Brandebourg, la région autour de Berlin, actuellement dirigée par les sociaux-démocrates.
L’exécutif paie le mécontentement d’une partie de l’opinion publique, nourri par l’inflation ou encore la transition écologique que tente de mettre en place le gouvernement. Les disputes continuelles au sein de cet attelage tripartite ne font qu’alimenter son impopularité.
À la déroute annoncée par les sondages s’est ajouté l’impact de l’attaque qui a fait trois morts fin août à Solingen (ouest). L’auteur présumé, un réfugié syrien de 26 ans, aurait dû être expulsé, ce qui a relancé le débat sur l’immigration.