Le forcing mené par le président algérien, lors de sa récente visite en Chine, lui qui a cru pouvoir arracher un soutien décisif qui aurait permis à son pays d’espérer intégrer le groupe des BRICS (acronyme pour Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) dès le mois prochain, a lamentablement échoué… comme prévu. La promesse faite par Tebboune aux Algériens en décembre 2022, selon laquelle «l’année 2023 sera couronnée par l’adhésion de l’Algérie aux BRICS», s’est totalement évaporée.
Dans la déclaration commune ayant sanctionné les discussions entre lui et le président chinois Xi Jinping, le mardi 18 juillet, on peut lire que «la Chine salue le désir de l’Algérie de rejoindre les BRICS et soutient ses efforts pour atteindre cet objectif». En termes moins diplomatiques, la distance est encore longue, très longue, pour espérer rejoindre les BRICS.
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Ayant compris, à travers ce langage diplomatique, que ce n’est pas demain la veille que l’Algérie intégrera les BRICS, dont elle est encore à des années-lumière en matière d’émergence économique, Abdelmadjid Tebboune a servi à la télévision publique chinoise CCTV (China Central Télevision) l’une de ces entourloupes qui n’ont d’autre résultat que de le ridiculiser davantage.
En effet, Tebboune a déclaré à la journaliste de CCTV qui l’interrogeait que l’Algérie a officiellement demandé l’autorisation de contribuer au capital de la banque des BRICS. «Nous avons saisi la direction de la banque pour devenir membre contributeur avec un fonds de 1,5 milliard de dollars», a-t-il lâché.
Un jeu de poker menteur? Une tentative désespérée d’obtenir la considération des États membres du BRICS pour que le dossier de la candidature algérienne soit au mieux examiné au prochain sommet, qui aura lieu du 22 au 24 août à Johannesburg en Afrique du Sud?
Il est vrai qu’en avril dernier, Tebboune a déjà un peu rétropédalé quant à ses ambitions d’intégrer les BRICS, en évoquant la demande d’y entrer en tant que simple membre observateur. À cette époque, il avait affirmé, dans le cadre de l’émission «Podcast» d’Al Jazeera, que son pays allait «adhérer aux BRICS lors de la prochaine réunion périodique du groupe, prévue l’été prochain, en tant que pays observateur dans un premier temps. Avec l’amélioration des indicateurs, nous deviendrons un membre à part entière au sein des BRICS».
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Et d’ajouter que «la Chine, la Russie, l’Afrique du Sud et le Brésil sont favorables à la demande d’adhésion, et l’Inde ne s’y est pas opposée». Ce qui est archi-faux, car, avec le Brésil, c’est bien l’Inde qui s’oppose catégoriquement à l’entrée de l’Algérie au sein des BRICS. Et ce n’est pas pour venger le magnat indien de l’acier, Lakshmi Mittal (dont le groupe Arcelor Mittal a vécu un cauchemar en investissant en Algérie dans trois sociétés à partir de 2001, avant de s’en retirer définitivement en 2015), mais pour des raisons objectives.
Selon les experts représentant l’Inde au sein des Sherpas des BRICS, l’Algérie, économiquement parlant, n’a rien de commun avec les cinq pays membres des BRICS. Elle est qualifiée de pays très sous-industrialisé et sans vision sur ce plan, vivant de la seule rente des hydrocarbures et, entre autres tares du sous-développement, affichant un faible PIB, alors que son système bancaire est archaïque et absolument inapte à s’arrimer au monde de la finance internationale.
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D’ailleurs, c’est sur la base de cette expertise qu’un haut responsable du gouvernement dirigé par Narenda Modi a récemment affirmé à la presse locale que seuls cinq pays, où l’Algérie ne figure pas, verront leur candidature aux BRICS examinée au sommet d’août prochain en Afrique du Sud.
C’est donc pour contourner l’abîme qui la sépare des États membres des BRICS que l’Algérie tente, cette fois-ci, de devenir membre contributeur dans la banque des BRICS. Cette tentative d’entrée par effraction au sein de groupe, au capital de 100 milliards de dollars, s’explique par un double objectif. Elle est d’abord adressée aux cinq pays des BRICS et n’aura aucun impact sur l’Algérie et les Algériens. La banque des BRICS ne finance que les projets de ses États membres. Jusque-là, l’Algérie n’est pas membre et n’aura aucune chance de le devenir tant que le pays ne passe pas du statut d’un régime militaire à un régime civil, en libéralisant l’économie et en abolissant le système de prébende et de rente qui sert de socle à la survie du régime.
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Deuxio, Abdelmadjid Tebboune est en pleine campagne présidentielle. Chacun de ses propos est à considérer sous le prisme de sa réélection à un deuxième mandat. Comme à son habitude, Tebboune a parlé sans savoir ce qu’il dit. Il a fait de l’intégration de l’Algérie aux BRICS son cheval de bataille, la preuve patente de l’avènement de «l’Algérie nouvelle». Or, cette promesse est en train de faire pschitt et de façon humiliante. Tebboune pense avoir trouvé une voie de sortie en laissant entendre que la somme injectée en tant qu’actionnaire dans une banque est un préalable pour devenir membre des BRICS.
Ce calcul électoral a peu de chances d’aboutir en Algérie, en dépit de la mobilisation des médias aux ordres. Un clan puissant au sein de l’armée est désormais en guerre ouverte avec Tebboune, comme en atteste l’arrestation tonitruante en Algérie du frère du youtubeur Saïd Bensedira, porte-voix du clan composé par Nezzar, Toufiq, Chengriha et Mhenna. Ces généraux s’opposent à une réélection de Tebboune pour un second mandat. Les prochaines semaines promettent un étalage sans précédent de linge sale en Algérie.