Le régime algérien a beau tenter de redorer son habit, plus treillis que costume, aux yeux des Algériens en faisant semblant de communier avec eux à chaque victoire, même la moins significative, d’une des équipes algériennes de football, rien n’y fait. Car le football reste, et de loin, le plus puissant catalyseur qui polarise la contestation anti-pouvoir en Algérie.
Le week-end dernier, deux matchs de football, l’un à Tizi Ouzou, comptant pour la qualification en phases de poules de la Ligue des champions africaine, et l’autre à Sétif, pour la 7e journée de la Ligue 1 algérienne, ont été émaillés par des slogans anti-régime, scandés par les supporters locaux.
A Tizi Ouzou, où la Jeunesse sportive de Kabylie, le club de football le plus titré d’Algérie (14 fois champion de la Ligue 1) a poinçonné son ticket qualificatif pour les phases de poules de la Champion’s league africaine en éliminant le club togolais l’ASKO de Kara, les supporters locaux ont remis au goût du jour les slogans du Hirak et autres chants anti-régime.
Ils ont ainsi entonné la chanson La Casa del Mouradia, dont la paternité revient aux supporters du Mouloudia d’Alger (USMA), club mythique de la capitale. Ce chant devenu un hymne du Hirak depuis le vendredi 22 février 2019, date de la première marche du mouvement populaire et pacifique anti-pouvoir. Ses paroles assimilent le palais présidentiel algérien, dans ses façades militaire et civile, à La Casa de papel, un série espagnole célèbre qui met en scène des braqueurs qui dépouillent la Maison de la monnaie de ses deniers pour en distribuer une partie au peuple.
Ce chant a été enrichi par le tube 3am Saïd (Bonne année), qui fustigeait, en janvier 2019, Saïd Bouteflika, le puissant frère du défunt président algérien Abdelaziz. Ledit tube s’est aujourd’hui généralisé dans les stades en visant désormais l’autre Saïd, à savoir l’actuel patron de l’armée algérienne et homme fort du régime, le général Chengriha.
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Les supporters de la JS Kabylie ont également scandé, samedi dernier, le slogan «Pouvoir assassin», qu’il ont continué à entonner jusque dans les artères de Tizi Ouzou, à la sortie du match ayant qualifié leur équipe.
La ville de Sétif, un peu plus à l’est de Tizi Ouzou, et à l’occasion de la réception par le Wifak local du club voisin de Khenchela, a été le théâtre, jeudi dernier, des mêmes scènes de supporters fustigeant le régime algérien, qualifié également de «Pouvoir assassin».
Inutile de rappeler que ces régions ont connu, ces deux dernières années, des feux de forêts meurtriers, avec près d’une centaine de morts dans la seule région de Tizi Ouzou en 2021, et plus de quarante morts dans la région de Sétif en 2022. Des drames, face auxquels le pouvoir algérien est resté les bras croisés, se limitant à mentir en promettant, à chaque fois, l’achat d’avions bombardiers d’eau.
Pour des raisons de sécurité, et en vue de ne pas exposer les supporters kabyles à la vindicte du pouvoir, et donc à des arrestations arbitraires et autres gardes à vue qui peuvent se prolonger sur plusieurs mois, des vidéos montrant la contestation dans les stades et leurs environs ont été filmées de dos ou de loin pour rendre difficile toute identification des personnes.
En effet, depuis cette saison, les tickets d’accès aux plus grands stades algériens sont exclusivement vendus sur une plateforme gouvernementale (tadkirati.mjs.gov.dz), gérée par la DGSN locale. A l’entrée des stades, la police exige de chaque détenteur d’un ticket électronique d’exhiber sa carte nationale pour s’assurer de la conformité des noms sur les deux documents. Cette mesure, prétendument mise en place pour éviter le marché noir, vise en fait à traquer les militants du Hirak dans les gradins.