Pour contrer certains mouvements d’obédience islamiste ayant appelé à manifester en solidarité avec Gaza, le régime algérien a d’abord misé sur les imams des mosquées. Vendredi dernier, leur prêche a été unifié à travers toute l’Algérie, et avait pour thème unique de déclarer contraire à la religion toute manifestation ou rébellion contre le pouvoir en place, qualifié de «légitime».
Jeudi 7 août déjà, le quotidien local El Khabar, un média privé très proche du ministère algérien de la Défense, a publié dans toute sa «Une», un long article anti-manifestation de rue, également lu dans la même soirée à la télévision publique, en ouverture du journal télévisé de 20 heures.
Les prêches dans les mosquées, les articles de presse et la TV publique ont ainsi appelé à «défendre, la sécurité, la stabilité et l’unité nationale», qui seraient, selon eux, ciblées par Paris, Rabat et Tel-Aviv, nommément désignés par l’article du MDN algérien paru dans les colonnes d’El Khabar.
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La panique qui s’est ainsi emparée du régime algérien a été d’autant plus manifeste que les mosquées ont été prises d’assaut par des «fidèles» d’un genre particulier, pour la plupart des agents des services de renseignement, policiers, gendarmes et militaires en civil… Autant de nouveaux visages que les habitués et riverains des mosquées ont été surpris de voir pour la première fois. La surprise est également venue du fait que les mosquées ont été exceptionnellement ouvertes, vendredi dernier, dans tout Alger, dès les premières heures de la journée et ont affiché le plein plus tôt que d’habitude grâce à cette ruée d’agents en civil. Cela sans parler des unités anti-émeutes de la police et de la gendarmerie qui ont quadrillé toutes les mosquées pour empêcher tout rassemblement sur la voie publique après la prière.
De même des barrages ont été érigés à l’entrée des grandes villes. Ainsi, tous les accès à la capitale étaient strictement contrôlés, voire fermés à la circulation, pour éviter, comme au temps du Hirak, une entrée massive de banlieusards venus grossir les rangs d’éventuelles manifestations.
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Tout ce branle-bas de combat, qui cache mal la panique du régime algérien face aux signes précurseurs d’un retour imminent du Hirak, a été déclenché suite à la montée au créneau de nombreux partis politiques locaux, jusqu’ici léthargiques ou bâillonnés, et des appels anonymes sur les réseaux sociaux en faveur de l’organisation de manifestations de solidarité avec Gaza.
En effet, au cours de cette semaine qui s’achève, plus d’une dizaine de partis politiques algériens de tous bords ont adressé une demande au ministère de l’Intérieur en vue de l’obtention de l’autorisation d’organiser ne serait-ce qu’une seule marche de solidarité avec la population de Gaza. En réponse, le régime algérien, qui a organisé lui-même sa propre manifestation de soutien à Gaza en octobre 2023, a toujours refusé toute manifestation, de peur du Hirak.
Il a proposé à ces partis d’organiser des rassemblements, avec une assistance limitée, dans des espaces fermés, dits «salles agréées» comme des salles de réunion ou de cinéma. Parallèlement à ce refus de manifester dans la rue, des arrestations ont été opérées dans les rangs d’anciens militants du Hirak, de crainte qu’ils ne servent de meneurs à des manifestations programmées pour vendredi dernier, mais finalement étouffées dans l’œuf.
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Mercredi et jeudi (6 et 7 août), plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées dans différentes villes d’Algérie. Elles ont en commun d’avoir joué un rôle plus ou moins important dans les manifestations du Hirak entre février 2019 et juin 2021.
Certains militants ont été libérés en contrepartie de la signature d’un engagement en vertu duquel ils s’abstiennent de lancer ou de répondre à un quelconque appel à manifester en solidarité avec Gaza ou pour tout autre objectif. Plusieurs activistes ayant refusé de signer un tel engagement sont toujours placés en garde à vue.
La mobilisation massive des forces de l’ordre et autres agents du régime, jamais vue depuis les dernières manifestations du Hirak, interrompues par la répression policière et les incendies criminels ayant fait des centaines de morts en Kabylie durant l’été 2021, intervient suite à la prolifération, ces derniers jours, de messages sur les réseaux sociaux appelant à organiser des manifestations de rue.
Face à ces appels insistants, le régime a réagi à travers ses mouches électroniques, sur les réseaux sociaux, où on peut lire que «les Algériens sont unis comme un seul homme pour défendre la sécurité, la stabilité et l’unité nationale» du pays.
Selon le régime, «des mains étrangères ciblent l’Algérie» et seraient derrière «les appels à manifester» en vue de replonger l’Algérie dans les «scénarios du passé» (une allusion au Hirak et ses slogans fustigeant la dictature militaire: «généraux à la poubelle», «État civil et non militaire»…
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La panique actuelle de la junte algérienne et sa fébrilité, au-delà de la vaste campagne actuelle d’appels à descendre dans la rue, trouve aussi sa raison dans le fait que tous les ingrédients favorables à une explosion politico-sociale sont aujourd’hui réunis en Algérie. Totalement isolé sur les plans régional et international, le régime algérien, affaibli par les interminables luttes claniques, et sans la moindre légitimité en interne, ni démocratique, ni historique, est conscient qu’il ne saurait survivre à un nouveau vent de contestation qui risque de le balayer à tout moment.












