L’affaire est passée presque sous silence à Alger. Aucun communiqué officiel, aucun titre de l’agence APS, et encore moins d’écho dans les médias étatiques. C’est par petites fuites, distillées dans quelques supports dociles, que l’on a appris, mercredi 1er octobre, le limogeage de Kamel Bouchama, ambassadeur d’Algérie au Liban, relevé de ses fonctions après des propos injurieux tenus contre Donald Trump, président des États-Unis d’Amérique.
Le désormais ex-diplomate n’a pas hésité à qualifier le président américain de «débile» et de «cowboy dont la place est dans un hôpital psychiatrique». Des insultes d’une rare violence pour un diplomate, d’autant plus qu’elles furent prononcées publiquement, dans un contexte officiel, engageant de facto la responsabilité de l’État algérien. Nous sommes le 23 septembre 2025 à Beyrouth. Dans un discours interminable, truffé de références dithyrambiques à la «grande Algérie éternelle» et entre deux contre-vérités, Kamel Bouchama s’en est pris directement à Donald Trump, le «grand zaïm», «débile» et «fou à lier qui se retrouve à la tête de la première puissance mondiale». Le tout, lors d’une conférence culturelle intitulée «Liban et Algérie: histoire rayonnante et présent lumineux», une circonstance ne se prêtant guère à un tel lâché d’obscénités.
L’attaque est brutale, gratuite, et d’autant plus choquante qu’elle émane d’un diplomate censé représenter son pays avec dignité et retenue. Au lieu de cela, l’Algérie s’expose au ridicule international et hypothèque ses fragiles relations avec Washington. Alger tente de faire passer ces propos comme une «opinion personnelle» sortie du cadre diplomatique. Mais la ficelle est trop grosse. Car le cas Bouchama n’est pas une anomalie: il est le symptôme d’un système où l’outrance et l’insulte sont devenues des outils politiques, où la diplomatie se confond avec le populisme de tribune. L’exemple vient d’en haut dans un système où la posture remplace la pensée, l’excès devient méthode et l’injure, un mode de communication. L’Algérie ne se contente plus d’une diplomatie approximative: elle l’assume dans l’insulte et l’inconséquence. Et chaque sortie du président algérien Abdelmadjid Tebboune est une master class en la matière.
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Même avec Bouchama limogé, le mal est fait. Le limogeage, annoncé du bout des lèvres, ne suffira certainement pas à calmer Washington. Donald Trump, réputé rancunier et peu enclin à oublier les affronts, ne laissera pas passer une telle attaque. Les relations déjà fragiles entre Alger et Washington risquent de se détériorer davantage, d’autant que l’Algérie comptait sur l’intérêt américain pour son gaz de schiste et ses ressources minières.
Plus grave encore: cette affaire révèle au grand jour la faillite d’une diplomatie algérienne qui s’expose à la raillerie internationale. Ce qui aurait pu rester un simple incident personnel devient une erreur stratégique majeure. Car au-delà de Bouchama, c’est tout un régime qui s’exprime à travers lui: un régime où l’invective tient lieu d’argument, et où le vacarme masque (mal) l’absence de vision.
En réalité, l’Algérie n’a pas sanctionné Bouchama pour avoir insulté Donald Trump, mais pour avoir mis le régime dans l’embarras. L’épisode illustre cette diplomatie du désordre, qui confond estrade internationale et café du commerce, qui croit exister en criant plus fort que les autres, et qui finit inévitablement par se ridiculiser. Reste à savoir si Washington se contentera d’un simple limogeage ou s’il exigera, tout le moins, des excuses officielles. Une chose est sûre: Trump ne laissera pas l’affaire sans suite. L’Algérie, qui misait sur l’oubli, pourrait bien en payer le prix.








