Le député Benamar Fawzi, élu de Tlemcen sous la bannière du Rassemblement national démocratique (RND), un parti créé par l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahya, risque de perdre bientôt son siège et son immunité parlementaires dans cette «Algérie nouvelle», chantée par le tandem Abdelmadjid Tebboune-Saïd Chengriha, et où ceux qui critiquent le pouvoir n’ont pas voix au chapitre.
Lundi 7 mars dernier, lors d’une séance de questions orales à l’Assemblée populaire nationale, en présence des ministres algériens de l’Agriculture et des Finances, le député de Tlemcen a d’abord exigé de ses collègues de mettre fin à leur absentéisme chronique, qui laisse «le peuple algérien sans défenseurs» face à un gouvernement, pour ne pas dire une clique, «qui ne défend que ses propres intérêts».
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Dans son cri de colère, Benamar Fawzi a interpellé le ministre de l’Agriculture en lui demandant de faire une visite de terrain dans la région occidentale de l’Algérie afin de constater de visu l’ampleur du désastre que vivent non seulement les agriculteurs, à cause des prix exorbitants des semences et de la sécheresse, mais aussi les citoyens qui subissent une interminable pénurie de produits de première nécessité, comme l’huile de table. Il a aussi interpellé le président Abdelmadjid Tebboune et son ministre du Commerce, pour leur crier à la face que «l’huile de table est introuvable à Tlemcen!».
Cela sans parler, ajoute-t-il, de la flambée des prix des autres produits de base, dont la pomme de terre que les agriculteurs de l’ouest algérien boudent désormais de crainte d’être taxés de spéculateurs et d’écoper de 30 ans de prison. Benamar Fawzi a aussi lancé, alarmiste, que la soif et la famine menaçaient les populations de l’ouest de l’Algérie, une région devenue dans son intégralité une «zone d’ombre» (c'est à dire proche de la pauvreté absolue). A moins que les habitants de cette région ne soient volontairement laissés pour compte ou punis à cause de leur proximité avec le Maroc, au profit de la région de l’Est algérien, dont est originaire l’actuel homme fort du pays, le général Saïd Chengriha, patron de l’armée algérienne.
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Prenant parfois des gants, en évoquant l'Algérie, «pays de 1,5 million de martyrs», Benamar Fawzi a toutefois indirectement laissé entendre que l’«Algérie nouvelle» dont la propagande aime à abreuver le peuple depuis fin 2019 est, en fait, la pire expérience qu’a connu le pays. Il s’est donc interrogé: «où va l’Algérie?», quitte à aller en «prison», le dernier mot qu'il aura prononcé au cours de cette prise de parole.
Le cri du cœur de ce député, qui a le mérite de nous donner une photographie exacte de la situation désastreuse dans l’ouest de l’Algérie a peu de chance, malheureusement, de trouver une oreille attentive. «L’Algérie nouvelle» du tandem Tebboune-Changriha a trouvé la solution pour faire taire toute voix considérée comme une fausse note au récit national: l’isolement dans une prison ou l’inscription sur la liste des terroristes.