Pourtant censées être les gardiennes du temple de la démocratie et des libertés en Occident, certaines organisations au rayonnement mondial ne cessent de s’enfoncer dans des scandales en série, sur fond de soupçons de parti pris, de rapports téléguidés et de corruption. Cette fois-ci, c’est au tour de Citizen Lab, la plateforme «indépendante» de recherche, notamment en logiciels espions, relevant de l’Université de Toronto au Canada, de faire scandale.
D'après un site d'information catalan, Vilaweb -d'autres médias se sont emparés de cette affaire- le laboratoire est accusé par un chercheur américain, Jonathan Scott, d’avoir été à l'origine de son licenciement, pour la simple raison que ce dernier a sorti un rapport remettant en cause le fonctionnement de Citizen Lab, et l’authenticité de ses conclusions sur le Catalangate, ou le scandale des écoutes téléphoniques qu’aurait mené le gouvernement espagnol contre des indépendantistes catalans, via le logiciel Pegasus.
Ces dévoiements ont aussi pu être le cas de Human Rights Watch (HRW), qualifiée par son propre fondateur, Robert Bernstein, de «moralement corrompue» et, pas plus loin que début août 2022, d’Amnesty international, accusée de soutenir Moscou dans sa guerre contre l’Ukraine et dont la directrice à Kiev, Oksana Pokalchuk, a préféré jeter l’éponge, dans une forme de protestation. On passera outre sur un collectif comme Forbidden Stories, regroupant 30 des plus prestigieux titres de presse occidentaux, mais qui, dans sa soi-disant guerre contre le logiciel d’espionnage Pegasus, édité par NSO, a préféré s'attaquer à des pays comme le Maroc, les accusant d’en faire usage... Forbidden stories qui «oublie», dans le même temps, ne serait-ce que d’évoquer les 22 clients, dont 12 pays, de l’Union européenne qui figurent pourtant bel et bien dans la liste des clients de la société israélienne.
Cancel cultureMais revenons à Jonathan Scott, chercheur doctorant, qui est en effet l’auteur d’un rapport intitulé «Découvrir le Citizen Lab: démystifier le CatalanGate». Dans ce document, il accuse Citizen Lab d'avoir menti sur l'existence même de ce scandale. Bien mal lui en a pris: il a été littéralement expulsé de l'université où il étudiait aux Etats-Unis, la Northcentral University, en Californie, pour avoir «enfreint le code de conduite».
Dans un post sur les réseaux sociaux, Jonathan Scott a accusé des «influenceurs technologiques sur Twitter» d'avoir contacté des responsables de son université pour «leur raconter des mensonges à [s]on égard» et donc motiver son expulsion.
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«C'est la culture de l'annulation à son plus haut degré», a-t-il dénoncé dans ce même message. Par «culture de l’annulation», ou de «l’effacement», le chercheur renvoie au concept de la Cancel culture, une pratique apparue aux Etats-Unis consistant à dénoncer publiquement, en vue de leur ostracisation, des individus, groupes ou institutions responsables d'actes, de comportements ou de propos perçus comme inadmissibles.
Prévarication«J'ai refusé d'accepter les mensonges de la communauté de la sécurité informatique et les mensonges que Citizen Lab continue de répandre. Je continuerai à enquêter et à démanteler les signalements d'organisations frauduleuses telles que Citizen Lab», a-t-il expliqué.
Jonathan Scott n’est pas la seule «victime» de Citizen Lab. L’avocate et analyste Irina Tsukerman, installée à New York, a récemment été bloquée par Twitter pour avoir diffusé «de fausses informations contre Citizen Lab». Cette militante des droits humains a d’ailleurs exprimé sa solidarité avec le chercheur, et a qualifié l'affaire d'exemple «de prévarication et de corruption».
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«Imaginez que les personnes à qui vous confiez votre cybersécurité et votre vie privée soient devenues un groupe d’obsédés, corrompus, cupides et fanatiques. Avec ce comportement scandaleux, cruel et malveillant, ils discréditent le reste des professionnels», a-t-elle vivement dénoncé.
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On retiendra que tant Citizen Lab que Forbidden Stories, ou encore Amnesty International ont en commun la véritable fixette faite autour de Pegasus (et dans une bien moindre mesure son concurrent Predator) alors que les logiciels d’espionnage sont légion, que certains sont Made in Europe, et que tous les pays du monde qui en ont les moyens y ont recours et en font usage.
Certains, parmi les plus démocratiques, en usent et en abusent. A bien mauvais escient, bien souvent.