La décision du Maroc de réintégrer l’UA fait réagir la presse algérienne

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Le retour annoncé du Maroc au sein de l’Union africaine a fait les gros titres de la presse algérienne, autant que la rencontre vendredi dernier à Alger entre le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal et une délégation marocaine conduite par le ministre Nacer Bourita.

Le 18/07/2016 à 17h15

L’offensive diplomatique marocaine auprès de l’Union africaine, couronnée par le message historique adressé par le roi au 27e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement africains annonçant la decision du royaume de réintégrer cette instance panafricaine, a polarisé l’attention de la presse algérienne.

“La visite épistolaire à Alger de la délégation marocaine revêt toute son importance à la lumière des dossiers bilatéraux et surtout la question sahraouie et des dernières péripéties qu’elle a connues et de la volonté prêtée au Maroc de réintégrer le giron de l’Union africaine”, a souligné “Le Quotidien d’Oran”, dans son édition du 17 juillet.

Selon le journal, "la diplomatie alaouite a déjà préparé le terrain avec le périple africain de son ministre des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar qui a visité la Libye, l'Egypte, la Tunisie, l'Ethiopie et le Soudan, en l'espace d'une semaine et la présence de Nasser Bourita, en Zambie et à Alger".

Le journal s’est fait l’écho des récentes déclarations de Mezouar qui a fait savoir que "ces pays lui ont proposé, justement, le retour du Maroc au sein de l'Organisation et précisé que le Royaume doit répondre à ces appels lorsque les conditions sont réunies".

"A quelles conditions fait-il allusion alors que le Royaume avait quitté l'Organisation de l'Unité africaine, devenue depuis l'UA, en 1984, après l'admission de la République arabe sahraouie démocratique, en son sein ? L'UA montre-t-elle des signes de mollesse devant le dossier sahraoui ou y a-t-il un prix à payer pour le Maroc pour la réintégrer ?", s’interroge le journal.

"Ce retour semble répondre à une logique de bras de fer à engager de l'intérieur même de la citadelle africaine pour gagner, en influence et en poids. Ce retour est également l'aboutissement de la stratégie africaine du Maroc qui cherche à renforcer les relations marocaines avec les pays africains en devenant le trait d'union privilégié pour un rapprochement entre l'Europe et l'Afrique", commente la publication.

Le journal fait constater que l'accueil d'étudiants africains, la gestion du religieux, la promotion du concept de consacrer une place à l'Afrique, dans tous les festivals organisés au Maroc, le libre accès au marché marocain pour les produits originaires des Pays les moins avancés (PMA) africains et l'annulation de leurs dettes, l'ouverture des ambassades en Namibie, au Botswana, en Zambie, en Tanzanie, au Mozambique et au Malawi pour renforcer la présence diplomatique marocaine, en Afrique de l'Est et australe participent à cette stratégie.

Le journal précise que "ces actions envisagées visent à casser l'axe Alger-Abuja-Pretoria, en s'appuyant sur la diplomatie parallèle parlementaire et des partis politiques et en investissant les réseaux informels d'influence et de lobbying, notamment, vis-à-vis de l'Afrique du Sud qui cherche à s'imposer comme puissance régionale africaine".

Le retour du Maroc dans le giron de l’UA passerait-il par Alger?

C’est en tout cas ce que pense “Le Jeune Indépendant”. "En dépêchant une délégation à Alger, pour obtenir son aval et faciliter son retour à l’UA, le Maroc reconnaît implicitement la place et l’influence de l’Algérie dans le continent africain”. "Mieux encore, il admet involontairement que rien ne pourra se faire sans l’aide de l’Algérie qu’il a, des années, provoquée par des discours belliqueux", croit savoir le journal.

"Les Marocains, qui ont toujours refusé le rôle de leadership de l’Algérie en matière de lutte antiterroriste, se sont finalement résolus à travailler avec leurs homologues algériens en matière de lutte antiterroriste. Et reconnaissent de facto le rôle de leadership des services de sécurité algériens sur la brèche depuis plus de vingt ans", ajoute la même source.

"Aujourd’hui le roi du Maroc est-il revenu à la raison et admis une fois pour toutes que sa stratégie de tension soufflée par quelques va-t-en-guerre est contre-productrice et ne fait qu’aggraver l’isolement de son pays, lui qui veut faire de l’Afrique son tremplin pour l’Europe ?", s’interroge le journal.Le journal relève également que la réintégration du Maroc de l’UA "n’est pas encore chose aisée", rappelant que la commission africaine, l’une des instances-clé de l’UA, a indiqué vendredi dernier que le Maroc ne siégera pas à l’occasion du sommet de Kigali.

Un “gage de bonne volonté” de la part du MarocLa présence parmi la délégation marocaine dépêchée à Alger du directeur de la DGED, Mohamed Yassine Mansouri, “se veut un gage de bonne volonté de la part des autorités marocaines pour désamorcer la crise qui envenime les relations entre les deux pays depuis 1994 à la suite de l’attentat de l’hôtel Atlas Asni perpétré par trois-Franco-Marocains”, estime “Le Jeune indépendant”.

"Depuis, les relations bilatérales cheminent au gré des circonstances. Le pic de la crise a été atteint dans l’affaire du Sahara occidental. Le Maroc accuse toujours l’Algérie d’instrumentaliser l’affaire du Sahara occidental pour porter atteinte à son intégrité", indique le journal.

Vous avez dit “manoeuvre marocaine”?

Pour sa part, le journal “La Tribune” fait remarquer qu’"il semble que le Maroc a pris conscience que la politique de la chaise vide ne porte pas, 32 ans depuis qu’il a quitté l’organisation africaine".

"Et cela, non plus, n’est pas fortuit. C’est qu’il y a les élections pour le poste à la présidence de la commission de l’UA. La Sud-africaine, Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, n’étant pas candidate à sa succession, elle laisse la place à d’autres", poursuit le journal.

"Le Maroc a peur que le poste revienne à l’Algérie ou à un candidat fortement appuyé par l’Algérie, alors qu’il y a toujours la problématique de la question du Sahara occidental", explique le journal, évoquant également "les craintes suscitées par l’élection de Brahim Ghali, très proche de l’Algérie, à la tête de la Rasd, ce qui explique, selon le journal, le double jeu marocain : d’un côté, le rapprochement avec l’Algérie pour contourner la menace terroriste et le crime international et, d’un autre côté, le lobbying au sein de l’UA pour justement empêcher que l’Algérie ait une position de leader".

Des réactions qui venant d'une presse généralement "formatée" à l'encontre du Maroc sont pour une fois dépourvues de violence verbale et laissent entrevoir un changement de ton plus que souhaitable pour deux pays unis par une communauté d'histoire et d'avenir.

Par Ziad Alami
Le 18/07/2016 à 17h15