Le tarmac de l’aéroport Mohammed V s’est transformé en parking géant alors que le trafic aérien est suspendu depuis environ deux mois, mis à part quelques rares vols cargo ou ceux destinés au rapatriement de ressortissants étrangers bloqués au Maroc.
Frappé de plein fouet par la crise du Covid-19, la Royal Air Maroc (RAM) s’est tournée naturellement vers son hub pour stocker sa flotte comprenant actuellement 59 appareils dont trente-sept B737, deux B737 Max (immobilisés depuis le crash d'Ethiopian Airlines en mars 2019), un B767 Cargo (celui-ci continue de voler, car dédié au fret aérien), neuf B787, quatre Embraer 190 et six ATR 72-212A.
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Jamais la RAM n’a eu autant d’avions arrêtés au même moment. «Depuis la fermeture de l’espace aérien, les équipes de la direction technique est mobilisée 7j/7 pour maintenir les avions dans un état navigable», souligne Anas Sidqui, chef du département «Contrôle des opérations de maintenance» à la RAM.
La corrosion, ennemi numéro 1 des avions
Un avion qui ne vole pas, c’est un avion qui s’use. Vis-à-vis des constructeurs et des motoristes, les compagnies aériennes doivent veiller à préserver les avions cloués au sol. Dans le jargon aéronautique, on appelle cela «stocker» un avion hors service.
Il existe trois niveaux de stockage. Le premier, dit de routine, lorsque l’arrêt de l’appareil ne dépasse pas une courte durée (moins d’un mois). Le deuxième niveau, appelé «stockage actif», celui choisi par la RAM, est conçu pour un arrêt pouvant durer jusqu’à 3 mois. Le troisième niveau, soit un stockage prolongé, intervient lorsque la durée dépasse les trois mois.
Dans son exercice quotidien de stockage actif, la RAM est tenue de respecter des protocoles techniques dûment précisés dans les «manuels d’entretien des avions» établis par les constructeurs. Le principe est le même pour les trois marques d’avions à l’actif de la RAM (Embraer, Boeing, ATR).
Le processus de stockage commence par le bouchage des ouvertures sur la surface de l’avion (sondes, moteurs, roues, freins, etc.) à l’aide de caches rouges pour empêcher l’introduction d’insectes voire d'oiseaux, explique Sidqui. Il s’agit aussi de graisser les trains d’atterrissage et des éléments de voilure.
S’ensuit alors une série d’actions répétitives à des intervalles réguliers, ajoute le responsable de la RAM. Cela consiste à faire tourner l’ensemble des éléments mobiles de l’avion. Toutes les semaines, chaque réacteur est mis en route pendant un quart d'heure pour assurer la lubrification du système et éviter tout risque de corrosion. Dans la cabine, l'humidité ambiante est vérifiée, si elle dépasse 60%, un redémarrage complet de l'avion est réalisé avec une mise en route des climatiseurs pour éviter la formation de moisissures. Les commandes de vol sont actionnées depuis le cockpit dans leurs butées extrêmes pour que les joints ne sèchent pas.
Après un stockage actif, la remise en service d’un avion peut se faire rapidement, en moins d’une journée. «Il suffit d’enlever les caches et d’opérer un certain nombre de tests afin de s’assurer que l’avion se trouve dans un état navigable», ajoute Sidqui.
La prorogation de la suspension du trafic aérien aura pour conséquence d’alimenter le coût du stockage. Car un avion est fait pour voler et générer des profits. En restant cloués au sol, les avions ne font qu’alimenter les charges et, par conséquent, aggraver les pertes des compagnies aériennes. Dans une lettre adressée récemment au personnel, le PDG de la RAM, Abdelhamid Addou, a fait savoir que les pertes en termes de chiffre d’affaires s’élèvent à 50 millions de dirhams par jour, à cause de la pandémie de Covid-19.