Le rapport souligne que l’amélioration du marché du travail du pays est essentielle pour réduire le haut niveau d’économie parallèle et de chômage –ce qui à son tour améliorerait la qualité des emplois disponibles pour les Marocains et protègerait leurs droits d’employés.
Le rapport met aussi en avant qu’une augmentation de la contestabilité du marché national permettrait aux petites et nouvelles entreprises d’accéder au marché et de croître, pour finalement être en mesure de concurrencer les entreprises établies.
Pour les rédacteurs du rapport, ces réformes représentent la meilleure opportunité pour que le Maroc augmente son ouverture économique –lui permettant de s’épanouir pleinement en tant que leader régional au Maghreb, et de jouer un rôle important dans l’économie mondiale.
Le rapport révèle que, avant la crise du Covid-19, le Maroc se classait 72e mondialement pour l’Ouverture Economique, et 9e de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, d’après l’Index Mondial d’Ouverture Economique de l’Institut qui offre un classement de plus de 150 économies selon leur performance sur quatre piliers: l'accès aux marchés et infrastructures, l'environnement d’investissement, les conditions de création d’entreprises et l'administration.
Durant les 10 dernières années, le pilier dans lequel le Maroc a fait le plus de progrès est pour celui de ses conditions de création d’entreprises, gagnant 23 places pour se classer 70e mondialement. Selon le rapport, cela est principalement dû à son progrès remarquable dans la diminution de la lourdeur des réglementations grâce à une série de réformes, qui ont réduit le temps passé par les entreprises à se conformer aux réglementations et obligations fiscales. L’environnement de création d’entreprises s’est aussi amélioré. Cependant, le rapport met en évidence deux problèmes majeurs, limitant le développement économique du pays. Le premier concerne le marché du travail, restrictif et lourd, qui a conduit à un taux élevé de chômage et a contribué à une large économie parallèle, et le second concerne le marché national du pays, qui est très concentré, ce qui empêche les nouvelles et petites entreprises d’entrer sur le marché en concurrence, et de croître, facilitant ainsi les monopoles et protégeant les entreprises établies.
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Malgré un gain de 17 places au classement Mondial sur les 10 dernières années, indique le rapport, le Maroc se classe tout juste 96e sur la flexibilité du marché du travail. Pour y remédier et permettre un lieu de travail dynamique et sain pour les employés comme pour les employeurs, le rapport recommande un ralentissement de l’augmentation du salaire minimum, une meilleure flexibilité des contrats à durée déterminée, et un recours plus facile au licenciement pour les petites entreprises.
Pour garantir un marché national juste et compétitif, le rapport recommande d’étendre le rôle du secteur privé. Il souligne qu’il faudrait réduire les opportunités d’accès privilégié aux marchés pour les entreprises nationales, supprimer les obstacles à l’entrée sur le marché qui protègent les entreprises établies et renforcer les régulateurs du secteur afin d’aider à améliorer la contestabilité du marché qui se dégrade au Maroc.
Stephen Brien, Directeur de Politique à l’Institut Legatum et auteur de ce rapport, a affirmé que «la prospérité est bien plus que la richesse matérielle, mais sans une économie ouverte et compétitive, il est très difficile de créer un bien-être social et économique durable».
«Avec l’incertitude et les bouleversements causés par l’épidémie de coronavirus, il y a un risque que les gouvernements prennent des mesures à court terme pour atténuer les retombées économiques immédiates, comme par exemple un soutien financier à l’industrie, mais cela pourrait cependant être difficile à inverser. Notre rapport montre qu’adopter des politiques qui stimulent la concurrence, l’innovation et le transfert de connaissances sera vital pour le succès du Maroc après la crise –en atténuant les effets de l’épidémie de Covid-19 et en permettant d’améliorer la vie de tous les Marocains».
Des quatre piliers de l’Index Mondial d’Ouverture Economique, le Maroc est le plus performant sur l’Accès aux Marchés et Infrastructures, se classant 64e. Le pays a considérablement amélioré ses infrastructures, en particulier son marché de téléphonie mobile compétitif (ce qui a contribué à la hausse de l’accès à internet de haute qualité) ainsi que la capacité et la qualité de ses ports maritimes.
Cependant, il reste plusieurs défis à relever, puisque le Maroc fait face à des pressions environnementales qui menacent ses ressources en eau, alors que la demande augmente. Afin de limiter l’impact du déclin des précipitations, le rapport recommande de continuer les programmes d’investissement dans les infrastructures d’irrigation durable, de progressivement mettre en place des mesures augmentant l’efficacité de l’utilisation de l’eau, de continuer les efforts de recyclage des eaux usées et d’étendre la capacité de dessalement.
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Stephen Brien indique que «durant la dernière décennie, le Maroc a subi des changements considérables, faisant des progrès sur de nombreux fronts depuis 2011, année où le Roi a introduit une nouvelle constitution suite au Printemps Arabe, avec pour but de poser les bases d’un progrès renouvelé. Quasiment tout l’ensemble de la population a accès à de l’électricité fiable et plus des deux-tiers de la population peuvent se connecter à internet. Le Maroc a poursuivi le développement de son réseau commercial déjà étendu grâce à un large éventail d’accords commerciaux et à la construction et l’extension du plus grand port à conteneurs de la Méditerranée. Cependant, l’impact d’une sécheresse récente sur le secteur agricole important du Maroc a mis en évidence la vulnérabilité du pays face à des pressions environnementales grandissantes».
«En termes de perspectives d’avenir, le Maroc de demain sera défini à la fois par ses réformes internes et par sa réaction aux défis extérieurs majeurs tels que les pressions environnementales et l’évolution de l’épidémie. A présent, une récession est prévue à cause de ces deux problèmes, avec une prédiction d’une perte de 4% du PIB réel. Il faudra plus d’innovation et de flexibilité pour contrer ces menaces et réagir promptement, et cela ne peut venir que d’une plus grande ouverture économique».
Le rapport montre que le Maroc se classe 68e pour son environnement d’investissement, gagnant 13 places sur la dernière décennie. Il y a eu d’importantes réformes pour renforcer les droits de propriété intellectuelle et la protection des investisseurs, tandis que l’écosystème de financement est un atout particulier du Maroc. Cependant, relève le rapport, le pays impose toujours certaines restrictions sur les investissements internationaux, ce qui pourrait limiter le développement dans ce domaine et suggère donc qu’il serait avantageux d’alléger les contrôles de capitaux et les restrictions sur la participation étrangère dans les entreprises, et de faciliter l’obtention de visas de travail.
Enfin, le rapport montre que le Maroc se classe 98e pour son administration, perdant ainsi 16 places depuis 2010. Des réformes récentes montrent des signes prometteurs d’engagement contre la corruption, avec une nouvelle loi protégeant les lanceurs d’alerte et des réformes destinées à rendre les marchés publics plus équitables et plus sûrs. Cependant, indique le rapport, il y a toujours un sentiment que les contraintes sur l’exécutif ne sont pas assez fortes en pratique. L’efficacité du gouvernement est aussi entravée par un manque de responsabilité et un système parlementaire fragmenté; il y a également des problèmes avec le système judiciaire qui peut être inefficace et sujet à la corruption. Pour améliorer la qualité de l’administration, le rapport recommande une réforme du système judiciaire, la mise en place de régulateurs indépendants légalement et le maintien du renforcement du rôle de la Commission Nationale pour l’Intégrité et contre la Corruption en favorisant son indépendance et ses moyens.
Stephen Brien déclare à ce sujet que «le Maroc possède de nombreuses forces sur lesquelles bâtir. Ses vastes accords commerciaux, sa stabilité politique et l’amélioration de ses infrastructures fournissent des fondations solides pour une plus grande ouverture économique. Le gouvernement continue d’identifier une gamme de réformes économiques et légales qui conduiront à des améliorations et nous nous attendons à ce que la Commission pour le Nouveau Modèle de Développement stimule le développement davantage».
«S’attaquer aux défis présentés dans ce rapport et mettre en place des réformes ne sera ni évident ni facile politiquement, mais j’ai toute confiance qu’avec une volonté politique, le Maroc pourra instaurer un changement et continuer de travailler pour atteindre un plus haut niveau d’ouverture économique», ajoute l'auteur de ce rapport de l'institut Legatum.