Transport maritime: la pénurie de conteneurs menace la stabilité du commerce extérieur au Maroc

Marchandise transportée par voie maritime (illustration). 

Marchandise transportée par voie maritime (illustration).  . DR

Face à la pénurie de conteneurs et à la flambée des taux de fret entre le Maroc et l’Asie, les freight forwarders marocains dénoncent une situation critique et inédite qui risque de compromettre la stabilité et la continuité des échanges commerciaux par voie maritime. Explications.

Le 12/12/2020 à 17h35

A l’instar d’autres pays, le Maroc fait face à un dérèglement total du marché maritime en provenance et à destination de l’Asie. Les conteneurs deviennent une denrée rare, ce qui se traduit par une augmentation vertigineuse du coût du transport maritime, car les armateurs ont dû privilégier l’axe transpacifique, à leurs yeux bien plus rémunérateur. Les freight forwarders décrivent une situation inédite. Certains armateurs annoncent des taux atteignant jusqu’à 10.000 dollars par conteneur de 40 pieds pour certaines destinations (soit le double voir le triple des tarifs pratiqués avant la crise).

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«Ces augmentations restent inadmissibles et menacent la stabilité du commerce extérieur de notre pays», dénonce Rachid Tahri, président de l’Association des freight forwarders au Maroc (AFFM) et vice-président de la Fédération de transport et de la logistique de la CGEM.

Cherchant à maximiser les profits, les armateurs ont tendance à orienter les conteneurs vers les zones qui concentrent une plus forte demande. Naturellement, l’Asie et tout particulièrement la Chine connaissent une augmentation considérable du trafic en lien avec le début de la reprise de l’activité après plusieurs mois de confinement.

L’augmentation de taux de fret devrait se répercuter sur la compétitivité des exportations marocaines. De même, elle impactera directement les importateurs qui ne sont pas tous en mesure de payer les augmentations que leur imposent les armateurs.

Face à cette situation, le président de l’AFFM lance un appel aux autorités marocaines afin de trouver une solution à ce problème qui risque de fragiliser les entreprises actives à l’import-export, en particulier les PME.

Tahri n’exclut pas des perturbations dans certaines unités de production du fait de la pénurie de conteneurs. «Une bonne partie des exportations concerne des produits périssables. Tout retard de livraison pourrait entraîner des dégâts conséquents et affaiblir notre compétitivité sur le marché mondial», souligne le président de l’AFFM.

De même, au niveau des importations, tout décalage dans l’approvisionnement de certains produits (équipements automobiles) est susceptible de perturber la production de grandes firmes industrielles.

La flambée des taux de fret aura également un impact direct sur la balance des paiements. Selon les simulations faites par l’AFFM, en partant d’un effectif de 1.100.000 conteneurs, dont 40% partent vides à l’export, et retenant une surcharge de 1.000 dollars pour les 660.000 conteneurs restants, la situation actuelle devrait se traduire par une sortie additionnelle de devises de l’ordre 660 millions dollars au titre de l’année 2020.

Les freight forwarders ne comprennent pas les raisons derrière ce phénomène de pénurie de conteneurs et ont du mal à expliquer la situation à leurs clients. «Nous proposons au client un prix un mois à l’avance. Comment peut-on revenir plus tard lui dire que ce prix a entre-temps triplé, sans le moindre préavis», ajoute Tahri.

L’AFFM met en garde contre le risque de laisser la chaîne logistique du transport maritime tomber sous le contrôle dominant des grands armateurs mondiaux. Ces derniers imposent leur présence à différents stades de la chaîne logistique maritime en installant des filiales spécialisées dans le transit douanier, le freight forwarding, le commissionnement en transport international, etc.

«La situation actuelle devrait mettre la puce à l’oreille des instances de tutelle pour préserver l’équilibre de l'écosystème du commerce extérieur. Il est temps de repenser l’organisation de ce marché, car il y va de la sauvegarde des intérêts économiques de notre pays», conclut le président de l’AFFM.

Par Wadie El Mouden
Le 12/12/2020 à 17h35