Interrogée par les opérateurs sur l’ouverture des frontières, la ministre de Tourisme, Fatim-Zahra Ammor, avouait lors de sa récente visite à Marrakech «qu’elle n’avait pas la main». Les pourparlers engagés avec les acteurs du secteur le plus sinistré par la crise sanitaire, n’avaient pas donné lieu à des déclarations officielles. Ceci dit, sa visite nourrissait des espoirs de sauvetage.
«Elle s’est montrée très compréhensive de la situation sans donner de visibilité sur l’ouverture des frontières», avait lâché Jamal Saadi, ex-président de la Fédération nationale des guides touristiques, qui déambulait au côté de la ministre dans les entrailles de la vieille médina, à la rencontre d’artisans et autres lignes de métiers, les plus touchés par la pandémie.
Moins d’une semaine après cette visite officielle, les opérateurs parviennent à obtenir gain de cause, en décrochant cinq mesures phares, adoptées dans le cadre d’un plan à 2 milliards de dirhams. Le programme comprend entre autres, le prolongement du versement d’une indemnité forfaitaire de 2000 dirhams durant le premier trimestre 2022 en faveur des employés du secteur, l’allègement des charges sociales sur une durée de six mois, et la prise en charge des intérêts adossée à un moratoire relatif aux échéances bancaires sur une durée pouvant aller jusqu’à un an.
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L’objectif du dispositif est de venir en appui à un secteur à l’arrêt, en attendant la reprise. Seulement voilà, si l’Etat est en mesure de maintenir encore sous perfusion ces entreprises du secteur avec ces aides, ce n’est pas pour autant synonyme de relance. En attestent les derniers chiffres diffusés par le CRT de Marrakech datant du 10 janvier dernier et qui montrent que les opérateurs, sont, déjà, en état de faillite programmée.
Le bilan dressé par le CRT donne une idée sur l’ampleur de la crise. En effet, sur les 240 établissements hôteliers classés de la ville Ocre, seuls 90 reçoivent des clients, et ce, uniquement durant le week-end. Même tendance observée auprès des restaurateurs où, sur les 335 établissements classés, seule une centaine est aujourd’hui opérationnelle. Pour leur part, les 40 établissements d’animation et boîtes de nuit demeurent fermés depuis 2 ans.
La non-ouverture des frontières porte également préjudice à l’écosystème dans son ensemble: près de 250 agences de voyages ont baissé le rideau, tandis que 1.200 maisons d’hôtes ont dû fermer, faute de clients. Le transport touristique, une autre sous-branche sinistrée par la pandémie, compte pas moins de 200 sociétés à l’arrêt. Selon eux, 30% des professionnels ont déclaré faillite et près de 600 entreprises sont, à l’heure où nous mettions en ligne, en situation de redressement judiciaire pour défaut de paiement.
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Au lot des établissements condamnés à disparaître, s’ajoute un lourd bilan social. Les guides ne sillonnent plus les ruelles de la médina (900 en arrêt de travail), les commerçants des souks et artisans cherchent repreneurs, et la plupart des artisans ont déjà changé de métiers, sans oublier les 460 artistes Hlaykias de la place Jamaâ El Fna qui attendent désespérément la réouverture des frontières.
Criblés de dettes, les opérateurs attendent avec impatience le retour des touristes. L’hiver pourtant ne s’annonce guère animé. La question de la réouverture des frontières se pose avec insistance à l’approche du 31 janvier, date d’expiration annoncée de la décision. A l’aube de cette date, tous les regards se portent sur la commission interministérielle dans l’attente de ce que les opérateurs n’hésitent pas à qualifier d’ultime planche de salut.