Face au diagnostic plutôt inquiétant de la situation des stocks de sécurité des produits stratégiques de consommation, la Cour des comptes a dressé une liste de recommandations que pouvoirs publics et opérateurs concernés sont appelés à suivre pour remédier à la situation.
La première, et non des moindres, concerne le volet réglementaire régissant les stocks de sécurité, tous produits confondus. Ainsi, en vue d’instaurer un cadrage global du système de stockage de sécurité, les magistrats de la Cour des comptes recommandent d’instituer une instance spéciale qui réunirait les différents intervenants dans ce système.
Cette dernière aura pour rôle «de concevoir et d’assurer l’adaptation continue d’un cadre global, intégré et cohérent relatif à la prise en charge la plus optimale de la problématique du stockage de sécurité dans ses différents aspects et pour toutes les catégories de produits», peut-on lire dans la rapport de la Cour.
L’idée est donc claire, celle de porter la réflexion sur la mise en place d’un cadre juridique adéquat.
Produits pétroliers: cibler un stocks de 90 joursPar produits, la Cour présidée par Driss Jettou propose une stratégie pour les produits pétroliers visant à constituer chez les opérateurs un niveau de stock de sécurité équivalent à 30 jours de consommation, en dehors de leur stock outil. Cet objectif pourrait être ciblé à moyen terme.
In fine, l’objectif de cette stratégie est d’atteindre un niveau de stocks équivalent aux exigences de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), soit 90 jours de consommation.
Bien entendu, la mise en œuvre de cette stratégie serait couteuse si elle est supportée par les seuls distributeurs. C’est pourquoi la Cour des comptes propose que la prise en charge d’une partie du stockage de sécurité soit constituée dans le cadre d’un partenariat à instituer entre l’Etat et les opérateurs pétroliers sous forme de société d’économie mixte. «La somme de 3 milliards de DH cumulée chez ces opérateurs à travers la prime spéciale de constitution des stocks pourrait contribuer au financement de ce projet», ajoute le rapport de la Cour.
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Cette dernière recommande, en outre, la création d’un organisme constitué de représentants de l’Etat et des professionnels du secteur pour piloter le système de stockage de sécurité ainsi que la réalisation d’infrastructures portuaires importantes pouvant accueillir des navires de grande capacité et les investissements connexes pour améliorer les capacités de réception et leur répartition sur le territoire national.
Produits alimentaires: acheter plus quand les cours sont basPour ce qui est des produits alimentaires, et particulièrement le blé tendre, les magistrats pensent savoir que le recours à des achats massifs, en période de détente sur les cours internationaux de blé tendre permettraient de mieux sécuriser l’approvisionnement. Bien entendu, ceci doit s’accompagner de mesures permettant le développement des infrastructures de réception des importations des céréales dans les ports et d'amélioration des conditions de collecte de la récolte nationale en blé.
La Cour des comptes propose, en outre, de prendre des mesures pour encourager les opérateurs à investir davantage dans le développement et la modernisation des infrastructures de stockage tout en veillant à assurer une meilleure répartition sur le territoire national.
Pour le sucre, il faudrait, selon la même source, mettre en œuvre des actions visant à améliorer les rendements de l’amont agricole, en vue de réduire la dépendance du marché extérieur. «Ces actions gagneraient à s'inscrire dans le cadre d’un contrat-programme avec l’Etat en phase avec les objectifs stratégiques du Plan Maroc vert», ajoutent les juges de la Cour.
Comme pour le blé, ces derniers appellent également à envisager le recours à des achats de sécurisation des approvisionnements en sucre, en période de détente sur les cours dans le marché international, parallèlement à des mesures à prendre en matière de développement des capacités de stockage et de renforcement des stocks de sécurité.
Prioriser les médicaments pour les situations d’urgenceConcernant les médicaments, il y a lieu d’examiner l’opportunité de constituer des stocks stratégiques de certains produits médicaux destinés aux situations d’urgence exceptionnelles en adoptant un système de financement, de localisation et de gestion de ces stocks. «Il s’agit, d’une réserve d’Etat destinée à des interventions d’urgence dans des situations d’épidémie, de catastrophes naturelles, d’attaque... », explique-t-on dans le rapport de la Cour des comptes. La gestion de cette réserve peut être confiée à un organisme dédié et peut se concevoir dans le cadre d’un partenariat public-privé.
Il faudrait aussi, selon la même source, adapter la réglementation relative aux stocks de sécurité des médicaments et des produits de santé pour prendre en compte leurs spécificités, notamment en matière de criticité, de la diversité des cycles de fabrication, des situations de monopole, de l’existence ou l’absence d’alternatives thérapeutiques ...
D’autres propositions sont faites dans le même cadre, comme la mise en place d’un système d’information développé pour le suivi des stocks chez les opérateurs pharmaceutiques tout en l’orientant vers la veille et la prévention des ruptures de stocks, ainsi que le renforcement du contrôle.
Enfin, pour ce qui est des produits sanguins, la principale recommandation concerne le redoublement d’efforts pour amener, dans le moyen terme, les dons de sang à un niveau conforme aux recommandations de l’OMS afin de mieux se prémunir contre les pénuries. Ceci peut se réaliser, selon la Cour des comptes, à travers le développement des capacités d’accueil et de traitement des dons, la sensibilisation active et soutenue sur le don du sang, une meilleure structuration et plus d’autonomie des services en charge de cette activité.